Votes nationaux, impact européen

Qu’il s’agisse du Royaume Uni ou de la Grèce, des elections nationales sur le fil du rasoir semblent pouvoir decider le sort de l’UE toute entière. Ce serait plutôt aux Européens de se prononcer, si seulement les institutions européennes avaient un fonctionnement plus démocratique.

Published on 20 May 2015 at 20:12

Après les élections britanniques, le grand sujet des mois à venir sera le référendum sur le maintien de l'adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne. Cela chasse l'autre grand sujet de ce début d'année, la possible sortie de la Grèce de l'euro suite à l'élection législative menant Syriza au gouvernement. Dans les deux cas, un point commun : une élection nationale faisant beaucoup parler... bien plus que les dernières élections européennes.

Les élections législatives ou présidentielles sont toujours des moments forts pour les citoyens d'un pays. Du point de vue européen, elles sont très importantes aussi puisque nous voyons apparaître (ou non) un nouvel interlocuteur à la table du Conseil européen, lieu de rencontre entre les représentants des Etats. C'est d'autant plus important que c'est aujourd'hui au sein du Conseil que se prennent les décisions politiques majeures dans l'Union européenne. Surtout que la Commission se refuse à devenir un gouvernement responsable devant une majorité au Parlement européen.

Quand François Hollande a été élu en France, la presse française titrait “il veut changer la direction prise par l'Europe”. Cela a été la même chose pour Alexis Tsipras en Grèce. “L'Europe va être obligée de bouger”, lisait-on. L'Union européenne finit toujours par bouger, mais au rythme lent de la démocratie internationale nécessitant l'accord de tous. Au final, il n'y a eu aucune révolution politique en Europe. Pas même lorsqu'Angela Merkel a été réélue.

Les élections nationales ne décident donc pas vraiment pour l'Europe, mais elles donnent néanmoins cette impression aux citoyens de tout le continent. Comme s'il se passait quelque chose qui allait changer la donne. Les médias ont presque plus parlé des élections britanniques et grecques que des élections européennes de l'année dernière. Et le public était au rendez-vous. Par le truchement des électeurs d'un autre pays, s'exprimait l'envie d'une Europe différente. Avec le grand avantage que chacun y mettait ce qui lui plaisait dedans.
Par exemple en France, la victoire de Syriza a été célébrée par le Front de Gauche à l'extrême-gauche et par... le Front National de Marine Le Pen à l'extrême-droite. Dans les deux cas, chacun disait que “c'était une victoire des peuples européens sur Bruxelles”. Un peu comme en Irlande en 2008 où les électeurs avaient rejeté le traité de Lisbonne, même si personne n'a ensuite revendiqué la victoire des peuples européens quand les Irlandais ont finalement voté oui ensuite.

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Il est intéressant de voir toutes ces batailles politiques par procuration. Mais on regrette aussi qu'il n'y ait pas de réelle bataille politique européenne. Parce que parler d'Europe d'un point de vue uniquement national, ce n'est pas l'Europe. La démocratie européenne ne peut se contenter de vingt-huit discussions nationales, menée en plus sur plusieurs années. Que les Britanniques décident par eux-mêmes s'ils ont toujours envie d'être dans l'aventure européenne, cela semble juste (même si bizarrement nombreux étaient ceux qui refusaient à l'avance ce choix pour les Ecossais).

Que les Grecs décident que l'Europe doit être plus sociale ou que les Allemands décident que la voie à suivre est l'austérité, ce n'est pas de la démocratie. Il serait tellement plus simple que les électeurs de l'ensemble de nos pays fassent ce choix lors des élections européennes. Au lieu de cela, nous acceptons que notre avenir soit décidé derrière des portes closes lors de discussions au Conseil européen entre nos représentants, certes élus, mais sans mandat précis sur ce que doit mener l'Europe comme politique. Nous n'accepterions pas cela au niveau national ou local.

Sous prétexte de respecter les souverainetés nationales, l’UE efuse de donner à la souveraineté européenne son plein exercice. Or, en faisant cela, nous ne respectons pas non plus la volonté des citoyens de chaque Etat membre. La souveraineté nationale n'est donc même pas respectée : François Hollande a fait croire qu'il allait renégocier le traité budgétaire en 2012. Il n'en a rien été puisque la France au Conseil européen est un Etat au même rang que les autres et que le traité budgétaire était donc forcément le fruit d'un compromis. Son élection changeait 1/28e de la donne, pas plus.

Admettons que tout ait changé en Europe au moment de l'arrivée au pouvoir de Syriza : en quoi cela aurait-il été démocratique du point de vue des citoyens européens vivant dans les autres pays ? Nous acceptons que l'élection nationale décide du destin d'un pays. Il serait grand temps que nous en fassions de même pour les questions européennes avec l'UE. Ce n'est pas à une partie de citoyens nationaux de décider de notre futur commun, mais bien à l'ensemble des citoyens européens.

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