Actualité Automobile et réchauffement climatique

Les SUV, mauvais pour la planète

Lourds et polluants, les 4x4 urbains représentent aujourd'hui 40 % des ventes de voitures neuves dans le monde, et rendent en partie vains les efforts de l'industrie automobile pour réduire les émissions de CO2.

Publié le 31 octobre 2019 à 12:09

Plus gros, plus lourd et plus polluant, les reproches faits aux SUV étaient déjà nombreux, mais l’ampleur prise par les ventes de ces 4x4 urbains en fait désormais un sujet de premier plan dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, l’augmentation des ventes de SUV au niveau mondial est depuis 2010 la deuxième cause de l’augmentation des émissions de CO2, le principal responsable du réchauffement climatique.

Le phénomène est d’ampleur mondiale, que ce soit en Europe, en Chine ou aux Etats-Unis, les ventes de ces Sport utility vehicle (véhicule utilitaire de sport en bon français) se multiplient partout. L’Agence internationale de l’énergie indique qu’on compte désormais plus de 200 millions de ces 4x4 urbains de par le monde, contre seulement 35 millions en 2010. Près de 40 % des ventes de voitures neuves sur la planète sont des SUV, cette proportion était d’à peine 20 % il y a dix ans. Aux Etats-Unis, ce chiffre grimpe même à 48 %, soit près d’une vente sur deux.

Mais l’accélération est telle que "les SUV ont été le deuxième facteur contribuant à l’augmentation des émissions mondiales de CO2 depuis 2010 après le secteur de l’électricité, mais devant l’industrie lourde (y compris le fer et l’acier, le ciment, l’aluminium)", note l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ceci ne signifie pas que les SUV émettent plus de gaz à effet de serre que ces autres secteurs, mais que l’augmentation de leurs émissions a été supérieure à celle des autres secteurs.

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Il faut en effet souligner que ces gros véhicules consomment davantage que les autres modèles : en moyenne un quart d’énergie supplémentaire qu’un véhicule moyen, et émettent donc plus de gaz à effet de serre. Au niveau mondial, ils sont responsables de 0,7 Gt d’émissions de CO2, à titre de comparaison la France en émet au total 0,44 Gt (hors importations). 

Cette mode des 4x4 urbains a une autre conséquence. En France, entre 1990 et 2017 le poids des voitures neuves a augmenté de plus de 30 %, alors qu’il était d’un peu moins d’une tonne en 1990, il est dorénavant de 1,24 tonne en moyenne. Cette croissance du poids – qui ne date pas de l’essor des SUV même si ces derniers l’accélèrent –, joue à la hausse sur la consommation de carburant des véhicules. Du fait de l’effort technologique, la consommation moyenne des voitures neuves enregistre une baisse constante depuis des décennies, passant de 7,5 l/100 km en 1995 à 5 l/100 km en 2015. Mais sous l’effet entre autres de l’essor des SUV, cette tendance semble s’enrayer depuis quelques années.

Les efforts des constructeurs mis à mal

Au niveau mondial, les gains d’efficacité réalisés dans la consommation en carburant des petites voitures, qui ont permis d’économiser l’équivalent de 2 millions de barils de pétrole par jour, ont été compensés par celle, plus forte, des SUV. Si cette tendance continue, l’augmentation des émissions liées à ce modèle annulerait la baisse obtenue grâce au déploiement du véhicule électrique, prévient l’AIE.

Derrière la consommation de carburant, c’est également les émissions de CO2 qui sont en jeu. Ces dernières connaissent la même évolution : la baisse constante depuis des décennies cale depuis quelques années, voire repart légèrement à la hausse. En cause : la baisse du diesel, qui émet moins de gaz à effet de serre mais pollue fortement l’air, et les ventes de SUV. Ces derniers émettent 10 % de plus de CO2 au kilomètre que la moyenne des autres voitures, indique l’Agence européenne de l’énergie. "La multiplication par quatre des ventes de SUV depuis 2010 a intégralement annihilé les efforts des constructeurs pour réduire les émissions de CO2 des voitures neuves", résume ainsi France Stratégie dans une note, qui appelle à un bonus-malus sur la vente des voitures, basé sur le poids des véhicules.

Vers un bonus-malus basé sur le poids ?

Un amendement en ce sens a d’ailleurs été déposé à l’Assemblée nationale lors de l’examen du budget 2020, mais il a été rejeté par le gouvernement. Un tel dispositif aurait cependant l’avantage de toucher tous les gros véhicules, y compris les électriques.

En effet, la très bonne tenue des ventes des SUV commence à gagner aussi les véhicules électriques, avec quelques constructeurs qui en produisent. Si les voitures électriques ont l’avantage de réduire les émissions de CO2, elles ont néanmoins un impact environnemental notoire, notamment sur le lieu de production. Ainsi la mobilité électrique invite surtout à repenser l’usage de l’automobile avec des véhicules davantage partagés et également plus petits. Reproduire les erreurs de la voiture thermique dans l’électrique a tout de la non-solution.

SUV et rentabilité

La poule aux œufs d’or des constructeurs automobiles

"Les SUV sont des véhicules très rentables", note Mathieu Chassignet dans un post de blog très documenté sur Alternatives Economiques. Selon ce responsable de l'ADEME, "le taux de marge est en effet bien plus élevé que sur des véhicules plus petits et les SUV sont devenus une véritable poule aux œufs d’or pour les constructeurs"

Et de ce fait, ajoute-t-il "tous les constructeurs s’y mettent, même ceux qui ont du retard sur les SUV ou qui étaient plus traditionnellement positionnés sur des citadines ou berlines. Plus inquiétant encore, on est en train d’assister à la quasi-disparition des petites citadines (segment B1) qui correspondent aux modèles de type Twingo, 108, C1, etc. Les voitures de ce segment souffrent d’une faible rentabilité et les constructeurs les délaissent peu à peu."

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