Décryptage Guerre en Ukraine et climat

Quel sera l’impact de la guerre en Ukraine sur l’environnement ?

La guerre en Ukraine n’est pas seulement une tragédie pour ses habitants, mais aussi pour l’environnement. Dans cette région fortement industrialisée – et déjà victime de la pollution – les affrontements et les bombardements pourraient avoir des conséquences dramatiques sur la préservation des sols, de l’eau et de la santé publique.

Publié le 21 avril 2022 à 16:20

La guerre en Ukraine fait rage sur l’un des territoires les plus industrialisés et les plus pollués du monde. L’héritage de l’industrie lourde soviétique était déjà un désastre pour la santé publique avant la guerre, mais l’invasion russe risque de causer de nouveaux dommages sur les systèmes naturels dont dépendent les habitants de ces régions. L’impact écologique du conflit nous rappelle que même lorsque les combats auront cessé, leurs effets continueront à se faire sentir pendant des générations.

La guerre pollue toujours l’environnement, surtout lorsqu’elle touche des industries dangereuses. Entre 2014 et 2022, le conflit du Donbass, dans l’Est de l’Ukraine une région fortement industrialisée a considérablement mis en danger l’environnement et la santé publique des habitants de la région. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, la prise de centrales nucléaires et les attaques portées à l’encontre des villes, des centrales thermiques et des entreprises industrielles dotées d’installations dangereuses augmentent considérablement le risque d’une catastrophe écologique et sanitaire. La vérité est toujours la première victime de la guerre et la disparition temporaire de la surveillance environnementale sur le terrain, associée à la désinformation, affaiblit fortement notre capacité à comprendre et à limiter les dégâts sur l’environnement.

Catastrophe écologique en Ukraine

Outre les nombreuses victimes civiles et les déplacements de population sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine aura des conséquences désastreuses pour l’environnement et la santé publique, non seulement en Ukraine, mais aussi en Russie, en Biélorussie, en Moldavie et dans une grande partie de l’Europe de l’Est. Les dommages environnementaux à long terme causés par les affrontements peuvent aller de la pollution persistante à des conséquences régionales à grande échelle causées par de très probables – surtout dans un pays industrialisé comme l’Ukraine – catastrophes industrielles, en passant par la disparition d’écosystèmes, de sols fertiles et de moyens de subsistance.

En 2013 et 2014, à la suite d’une vague de protestations à travers l’Ukraine en réponse à la décision du gouvernement de renoncer à signer un accord d’association avec l’Union européenne, des manifestations prorusses ont éclaté dans le Donbass, une région à majorité russophone. Au cours de l’année 2014, des manifestations et des occupations de bâtiments gouvernementaux dans le Donbass suscitées en sous-main par la Russie se sont transformées en une guerre entre les forces armées régulières ukrainiennes et des milices séparatistes soutenues par les troupes et les paramilitaires russes. Même si la Russie a toujours nié son implication, elle a établi un contrôle dehfacto sur certaines parties de la région du Donbass en installant ses intermédiaires, en fournissant des armes et en assurant sur place une présence militaire.

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Depuis lors, la République populaire de Donetsk (RPD) et la République populaire de Lougansk (RPL) autoproclamées dans le Donbass ont commis de nombreuses et graves violations des droits humains, telles que la torture et le déplacement forcé de populations. En plus des bombardements, qui n’ont jamais complètement cessé au cours de ces huit dernières années, les habitants de la région ont également dû faire face à des coupures d’électricité, de chauffage et d’eau potable.De nombreuses organisations ukrainiennes et internationales – dont Zoï Environmental Network, Ecoplatform, CEOBS, PAX, Environment-People-Law, Truth Hounds et l’OSCE pour n’en nommer que quelques-unes – ont mis en garde pendant des années contre les conséquences écologiques et sanitaires de la guerre dans le Donbass – la région qui couvre les provinces de Donetsk et Louhansk dans l’Est de l’Ukraine.

Abritant environ 4 500 entreprises minières, métallurgiques et chimiques, la région du Donbass était déjà très polluée et concentre “la charge environnementale d’origine humaine la plus importante d’Europe”. 80 % de ces industries ont des installations dangereuses qui menaçent l’environnement. La région abrite 200 des 465 installations de stockage de résidus (TSF) d’Ukraine – de grands bassins conservant les déchets industriels et substances toxiques issus des industries lourdes, minières, chimiques et énergétiques de la région. Certaines de ces entreprises et installations ont été laissées à l’abandon par leurs propriétaires ou sont en mauvais état, et beaucoup se trouvent à proximité immédiate de la ligne de front.

Depuis le début du conflit, les mines de charbon à l’abandon inondent le Donbass de substances toxiques et parfois radioactives. De nombreux risques environnementaux proviennent de l’arrêt soudain du fonctionnement des mines : l’eau des mines doit être pompée en permanence ; si le pompage s’arrête, l’eau toxique remplit les puits de mine, remonte et finit par atteindre le niveau du sol et polluer l’eau potable. De plus, l’eau polluée d’un puits peut se déverser dans d’autres puits, car beaucoup d’entre eux sont connectés. La mine baptisée Yunyi Komunar (“Yunkom”), par exemple, a été le site d’une explosion nucléaire en 1979 pour libérer du gaz piégé sous terre, et les mines Luhanska, Proletarska et HH Kapustin pourraient également contenir des déchets radioactifs. Les rapports sur les inondations dans la mine Yunyi Komunar font craindre un mélange de l’eau contaminée dans la nappe phréatique et une pollution de l’eau potable.

De futures catastrophes environnementales, telles que des dégâts sur les barrages des installations de stockage des résidus pourraient polluer le cours du Donets – la principale source d’eau potable pour une grande partie de la région du Donbass – et provoquer ainsi une pollution transfrontalière pouvant en théorie atteindre la mer d’Azov et, au final, la mer Noire.Ces risques pour l’environnement et la santé publique, que des rapports internationaux et nationaux avaient déjà mis en évidence, augmenteront considérablement avec l’invasion de l’Ukraine lancée par la Russie le 24 février 2022. Quelques jours auparavant, une roquette MLRS Grad frappait la centrale thermique de Luhansk à Schastia, causant des pannes d’électricité accompagnées de panaches de fumée noire.

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