Revue de presse L‘Allemagne et la crise des réfugiés

Angela Merkel dans la ligne de mire

Elle est peut-être la femme la plus puissante du monde, mais la chancelière allemande doit affronter une hostilité croissante vis-à-vis de ses politiques d'accueil des réfugiés de la part de ses partenaires européens et en Allemagne.

Publié le 10 novembre 2015 à 16:39

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Même si le magazine Forbes l’a récemment proclamée “deuxième personne le plus puissante au monde”, la chancelière allemande Angela Merkel semble de plus en plus vulnérable face les problèmes soulevés par sa politique sur les réfugiés, estime le Spiegel. L’afflux continu de réfugiés dans le sud-est du pays a placé les organisations humanitaires et les autorités locales sous une pression sans précédent. Pendant ce temps, ses opposants politiques comme ses alliés font campagne pour que soit fixée une limite au nombre de réfugiés autorisés à entrer en Allemagne, un changement qui verrait la fin de la vision de Mme Merkel d’une Europe sans frontières.

Le Spiegel affirme que la situation est devenue chaotique, les municipalités manquant de ressources pour faire face au nombre de migrants sans cesse croissant. Les experts attendent entre 10 000 et 12 000 nouveaux réfugiés par jour, et il n’y a pratiquement plus aucun lieu d’accueil disponible dans le pays. “Bref, le gouvernement a perdu le contrôle de la situation”, affirme le magazine. “Et l'Allemagne est dans une situation d'urgence.” Pendant ce temps, la CSU, les partisans conservateurs traditionnels du parti de Mme Merkel, la CDU, sont de plus en plus en plus préoccupés par ces nouveaux arrivants qui pourraient créer “une société parallèle pour les musulmans”.

Tout cela a eu un effet dramatique sur la cote de popularité de Mme Merkel, avec des répercussions sur la CDU. Plus inquiétant encore, Alternative pour l'Allemagne (AfD), un parti d'extrême droite, a le plus bénéficié de ce retournement d'humeur des Allemands, en atteignant 8 % d’intentions de vote dans un récent sondage d'opinion. Durant l'été, la position de Mme Merkel semblait inattaquable. Maintenant, les commentateurs spéculent, elle pourrait faire face à un coup d'Etat au sein de son propre parti. Et Merkel elle-même est bien consciente des dangers pour son poste :

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Merkel a un sens infaillible de la réalité politique et c’est l’une de ses grandes forces. [...] Personne ne sait mieux que la chancelière allemande combien la situation dans le pays est devenue précaire.

Au cœur de la crise il y a la relation chancelante d’Angela Merkel avec Horst Seehofer, le chef du parti-frère de la CDU en Bavière, la CSU. Même si Seehofer est fortement opposé aux mesures drastiques pour réduire le nombre de migrants préconisées par AfD, il milite néanmoins pour plafonner le nombre de personnes que le pays peut accueillir. La situation en Bavière est, selon le magazine, “pré-révolutionnaire”, et, au sein de la CSU, la colère monte contre le gouvernement fédéral.

Qui plus est, il est apparu que rien n'a été fait pour soutenir les collectivités locales, qui avaient pourtant lancé dès février un appel au gouvernement pour l'assistance aux réfugiés. L’Office fédéral des migrations et des réfugiés se trouve aussi mal préparé face à l'ampleur de la crise, notamment parce qu'il n’a pas eu l'autorisation d'embaucher du personnel supplémentaire pour traiter les demandes d'asile.

Merkel est également vulnérable à l'échelle internationale. Celle qu’on appelait naguère la “Reine de l'Europe”, doit désormais faire face à la résistance à sa politique sur les réfugiés de bon nombre de ses partenaires de l'UE, dont certains font pression pour imposer plus de barrières et fixer une limite à la libre circulation des personnes. Et elle a dû se tourner vers les “opposants de la première heure” en Grèce et en Turquie pour gérer l'afflux de réfugiés. Les enjeux sont importants : le succès de la politique internationale de Merkel va déterminer non seulement sa propre position intérieure, mais aussi l'avenir de l'UE elle-même :

Merkel estime qu'il est impossible pour l'Allemagne de fermer ses frontières. Pour elle, l'érection d'une barrière serait non seulement inefficace, mais elle représenterait également la fin de l'idéal européen. Ayant grandi dans l’Allemagne de l'Est communiste, elle vient d'un pays qui s’était lui-même coupé du monde avec des murs et des barbelés – et elle ne veut pas revivre l'expérience.

Traduit par Frédéric Schneider

Cet article est publié en partenariat avec #OpenEurope

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