Au point mort

Publié le 13 juillet 2012 à 13:37

“Dis-moi ce que tu conduis, je te dirai qui tu es”. Depuis le début de sa diffusion de masse, l’automobile est, outre le moyen de transport le plus présent dans nos vies, un marqueur social et un révélateur de nos personnalités. Mais aujourd’hui, alors que la suppression de 8 000 emplois annoncée par le constructeur français PSA n’est que la dernière d’une série de mauvaises nouvelles pour le secteur automobile en Europe, la question qui se pose à notre continent est : “Dis-moi quelles voitures tu fabriques, je te dirai qui tu es”.

Le groupe PSA, qui regroupe les marques Peugeot et Citroën, perd 200 millions d’euros par mois et se trouve obligé de prendre des mesures drastiques. Il y a quelques mois, de l’autre côté du Rhin, le groupe allemand Volkswagen, le premier groupe européen qui possède Audi, Škoda ou Seat, annoncait le versement d’une prime de 7 500 euros à ses salariés. Premier constat de l’Europe automobile : le modèle allemand est le plus performant...

Second constat, qui explique le premier : avec la crise, les Européens ont abandonné les véhicules de moyenne gamme au profit des petits modèles et des voitures de gamme supérieures ou de luxe. La consommation automobile reflète donc les écarts sociaux de plus en plus marqués. PSA, dont la stratégie portait sur la moyenne gamme, en paie le prix. Volkswagen, qui incarne la qualité et le haut de gamme, en profite, tout comme BMW ou Mercedes, les autres bien-portants du secteur.

PSA, pourtant, propose des petits modèles, qui se vendent raisonnablement bien. Mais ils sont fabriqués en République tchèque et en Slovaquie, où leur coût de revient est moins élevé. Volkswagen est aussi fortement implanté des ces deux pays.

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Ajoutons l’immense usine Dacia-Renault en Roumanie ou les nouvelles installations de Kecskemét (Mercedes) en Hongrie et Kragujevac (Fiat) en Serbie, et nous avons le troisième constat : le coeur de l’Europe automobile se déplace inexorablement à l’Est. La relocalisation de la Fiat Panda de la Pologne vers l’Italie est une exception, qui s’est faite au prix d’une redéfinition du contrat social de l’entreprise.

Des centres historiques de la culture ouvrière comme Birmingham (Austin puis Leyland), Boulogne-Billancourt (Renault) et bientôt Aulnay-sous-Bois (Citroën) ont disparu, tandis que d’autres comme Turin (Fiat) ont perdu de leur importance. Dans un contexte de désindustrialisation de l’Europe, l’automobile est le symbole du défi d’assurer la prospérité de toutes les parties du continent en tenant compte des intérêts de tous les pays en terme d’emploi, de richesse nationale et de niveau de vie individuelle. C’est à dire développer l’économie et l’emploi sans dumping social à l’intérieur de l’UE.

D’où le quatrième constat : en fermant leurs usines à l’Ouest de l’Europe pour en ouvrir ou en développer à l’Est, les grandes industries nourissent les incompréhensions ou les jalousies qui existent entre les citoyens de l’Union de l’Ouest et de l’Est. Certaines réactions françaises à l’annonce de PSA rappellent l’affaire du plombier polonais utilisé comme épouvantail lors du référendum de 2005.

Dernier constat : l’automobile est le symptôme de l’inadaptation de l’Europe à la transition du développement durable. A une époque où la place de la voiture est remise en cause au nom de l’urbanisme, de la qualité de vie et de l’écologie, il peut paraître paradoxal de s’insurger contre la baisse de la production automobile. C’est simplement parce qu’aucune alternative n’a été clairement définie en terme de développement industriel et d’emploi. Les Européens veulent réduire leurs émissions de CO2, mais ils ne sont prêts ni à produire de l’énergie propre de manière autonome, ni à remplacer les emplois des industries anciennes par des emplois de la nouvelle économie.

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