Beaucoup de mots, peu d’action

Les dirigeants européens ont décidé de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale. Mais l’écart entre leurs ambitions proclamées et leur réelle volonté politique a décrédibilisé leur parole, estime un éditorialiste autrichien.

Publié le 23 mai 2013 à 15:18

Rarement les chefs de gouvernement de l’UE auront été aussi unanimes que lors du sommet éclair sur l’évasion fiscale. Il ne faut pas laisser la moindre marge de manœuvre aux fraudeurs, ont-ils déclaré. Il est inacceptable que l’on assomme les honnêtes contribuables à coups de cures d’austérité et de plans de sauvetage pendant qu’une poignée d’irresponsables se soustraient à leurs obligations fiscales en gardant l’anonymat ou en dupant les autorités à l’aide de sociétés multiples ou de montages fiscaux.

D’où le plan de riposte : transparence sur les données bancaires et fermeture des paradis fiscaux. Ce fut l’heure des fanfaronnades, notamment dans la bouche du chancelier [autrichien] Werner Faymann et de la chancelière Angela Merkel, qui sont déjà en pré-campagne [pour leur réélection]. Le Premier ministre David Cameron, lui aussi, n’a eu de cesse de marteler que son pays entendait assécher les paradis fiscaux. Oui, David Cameron.

Qui oserait s’opposer à d’aussi nobles visées ? Personne qui soit doué de bon sens et soucieux de la collectivité. Mais la question autrement plus cruciale est de savoir si les chefs de gouvernement, qui ont passé moins de deux heures à débattre de la question, sont crédibles ; dans quelle mesure leurs belles paroles s’écartent-elles de la réalité ?

Il y a de quoi rire

La réponse est simple : ils sont peu crédibles. Leurs décisions ne constituent guère plus qu’une compilation de chantiers et de projets de loi en cours, qui se trouvent déjà sur la table (pour certains depuis des années), agrémentés de formules du type "les niches fiscales doivent être supprimées". Il y a même de quoi rire lorsque les Premiers ministres enjoignent leurs collègues des Finances d’adopter, d’ici au mois de juillet, une législation européenne contre la fraude à la TVA qu’ils ont abandonnée voilà une semaine seulement.

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Les déclarations du Premier ministre irlandais, président du Conseil de l’UE, qui martèle que son pays n’accorde d’avantages fiscaux, prête également à sourire. Quid d’Apple et des autres ?.
L’Autriche non plus n’est pas à l’abri de cette hypocrisie fiscale, quand bien même le chancelier martèle à l’envi qu’il souhaite la mise en œuvre au plus tôt du système d’échange automatique d’informations bancaires. Son discours ne résiste pas à l’épreuve des faits. S’il le voulait, le gouvernement pourrait décider immédiatement que l’Autriche renonce à sa dérogation à la directive européenne [sur l’échange automatique d’informations]. Il aurait pu le faire depuis belle lurette. Or, a-t-on vu une proposition dans ce sens ? Que nenni. Pourquoi ? Parce que le gouvernement a donné priorité à un accord sur l’imposition à la source avec la Suisse et le Liechtenstein plutôt qu’à la transparence fiscale. Ce qui se comprend : cette année et l’année prochaine, il rapporterait, selon les estimations, quelque 1,5 milliard d’euros dans les caisses.

Vu de Madrid

Un pas en avant

"L’UE lance un message" contre l'évasion fiscale, se félicite El País. Lors du Conseil européen du 22 mai, les Vingt-Sept ont décidé de mettre en oeuvre cinq mesures concernant l'echange automatique des données, la modification de la directive sur la fiscalité de l'épargne, la fraude à la TVA, les transferts de bénéfices entre compagnies mères et leurs filiales, et le blanchiment d'argent - qui seront approuvées d’ici fin 2013, "pour que tous payent les impôts".

Le quotidien, qui rappelle que l’UE a "l’habitude bien ancrée de désigner des horizons ambitieux et d’atteindre des résultats toujours en-deça", estime que si cet accord "est appliqué rapidement, beaucoup de choses vont changer en Europe. Pour le meilleur."

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