ETA, derniers défis avant la fin

L’appel à la fin des activités du groupe terroriste lancé par la conférence de paix de Saint-Sébastien, le 17 octobre, n’exige pas une reddition sans conditions. Mais comme l’a montré le processus en Irlande du Nord, certaines concessions sont nécessaires si on veut vraiment la paix.

Publié le 18 octobre 2011 à 13:33

C'est la pression policière et la fermeté démocratique qui ont renvoyé ETA dans les cordes. Cela dit, si l'organisation terroriste avait besoin d'un prétexte empreint de solennité pour annoncer la fin définitive de la violence, il lui a été servi hier sur un plateau par la Conférence internationale de paix d'Euskadi [Pays basque], réunie à Saint-Sébastien.

L'importance des personnalités étrangères invitées, la déclaration en cinq points qui a été publiée et l'absence des gouvernements espagnol et basque devraient suffire pour que les terroristes annoncent qu'ils renoncent définitivement à la violence dans les meilleurs délais. De plus, pour en finir avec cette tragédie, il est difficile d'imaginer un cadre qui soit plus proche de celui réclamé avec insistance par la gauche abertzale [nationaliste radicale, proche d'ETA].

Même si certains ne manqueront pas d'émettre des réserves sur le texte adopté, il est incontestable que l'appel lancé aux gouvernements espagnol et français pour qu'ils négocient — et celui lancé à la société en général pour qu'elle prône la réconciliation, dans le respect du souvenir des victimes et de leurs proches — faisait depuis longtemps partie du scénario [d’ETA]. Certes, sans la traque policière et judiciaire, ETA n'aurait jamais été aussi près de jeter l'éponge, mais cela n'aurait pas suffi à mettre un terme à tant d'années de violence.

Rajoy devrait gérer la fin d'ETA

Ceux qui s'obstinent à soutenir le contraire savent qu'à un moment donné il faudra faire des concessions — sans aller jusqu'aux contreparties politiques — pour qu'ETA dépose les armes et quitte la scène. Imaginer que la solution passe par la mise à genoux d'ETA, c'est méconnaître l'histoire d'autres conflits comparables à celui du Pays basque.

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De fait, la conférence de Saint-Sébastien s'est inspirée en partie de la logique appliquée à la résolution de la violence en Irlande : dans ce contexte, il n'avait pas été exigé la dissolution de l'IRA, mais la fin irrévocable de la violence. Ensuite, comme ce sera le cas au Pays basque, il a fallu s'attaquer à la situation des prisonniers et faire preuve de sens politique pour avancer. Il faut garder cela à l'esprit pour éviter d'attiser les fondamentalismes.

L'absence du Parti populaire (PP, conservateur) à ce rendez-vous est logique, étant donné sa trajectoire. Mais si le PP revient au pouvoir [il est donné favori pour les législatives du 20 novembre], il est appelé à gérer la fin d'ETA, ce qui demandera hauteur de vues et volonté de consensus. Le fait que Mariano Rajoy [le leader du PP] songe à poursuivre le processus mené par le PSOE [le Parti socialiste] et le PNV [le PArti national basque] va dans le bon sens.

Opinion

“Une farce insultante” pour la presse conservatrice

C’était "le festival de Saint-Sébastien", ironise El Mundo, en évoquant le rendez-vous annuel du cinéma dans la ville basque. Le quotidien conservateur considère que la conférence du 17 octobre a été une "farce insultante" pour les démocrates et surtout pour les victimes du terrorisme, "propageant l’idée aberrante d’un conflit avec deux camps confrontés, en pied d’égalité et avec la même légitimité morale".

La déclaration finaleest un "piège", ajoute El Mundo, qui considère que les "étoiles internationales" comme l’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan ou l’ex Premier ministre irlandais Bertie Ahern "ont servi la stratégie d’ETA". Le texte "n’exige même pas la dissolution du groupe ni la remise de son arsenal", critique El Mundo mais la simple cessation de la violence. Par contre, elle inclut la reconnaissance de "toutes les victimes", ce qui est "une forme rusée d’accorder le statut de victimes aux etarras, effaçant les lignes qui séparent les victimes de leurs bourreaux".

Le quotidien conservateur dénonce également la "complicité silencieuse" du gouvernement espagnol, qui a consenti une réunion dans laquelle ses participants lui demandent une solution "iIlégale, non constitutionnelle, à ce qu´ils appellent la 'dernière confrontation armée en Europe'”. Pour El Mundo, "il faut faire confiance à l’arrivée du nouveau gouvernement après le 20 novembre [date des élections législatives] pour que ce très mauvais film présenté hier à Saint-Sébastien ne soit pas récompensé".

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