Un fan de football suisse lors d'un match de la Coupe du Monde à Cologne en 2006 (AFP)

Immigrés allemands, adaptez-vous!

Près de 3 000 Allemands viennent s’installer chaque année en Suisse, attirés par les offres de travail et des salaires généreux. Mais entre voisins germaniques, l’entente est parfois difficile. Au point qu’à Zurich, on propose des cours d’intégration aux nouveaux arrivants.

Publié le 26 octobre 2009 à 11:42
Un fan de football suisse lors d'un match de la Coupe du Monde à Cologne en 2006 (AFP)

Les Allemands arrivent. Ils parlent à voix basse en entrant dans la pièce. Légèrement intimidés, souriants. Il ne faut surtout pas confirmer les préjugés, par exemple, parler bruyamment. La réputation est suffisamment atteinte. Et on veut vivre ici, apparaître agréable, car on est étranger, migrant.

Il est presque sept heures du soir, à Zurich. Ceci est une "soirée d’intégration pour les Allemands vivant en Suisse". Sur la table, il y a de la lecture. "Salut les Gummihälse [cou en caoutchouc]. Pourquoi les Allemands nous tapent parfois sur le système". Cou en caoutchouc ? L'expression fait référence aux Allemands, internes en médecine que l’on voit si vigoureusement hocher de la tête lorsqu’ils s’entretiennent avec des supérieurs. Au sens large, cette expression sert à pointer du doigt le caractère opportuniste des Allemands, ou du moins ce qui passe pour tel aux yeux des Suisses.

Christiana Baldauf accueille ses hôtes. Ce cours du soir était devenu indispensable, nous explique la patronne du Bureau d'intégration de Zurich. En juin dernier, le quotidien suisse Blicka décerné à Peer Steinbrück le titre de "personne la plus détestée en Suisse". Le ministre des Finances allemand, ce voisin du nord à la puissance inquiétante, menaçait de s’en prendre aux paradis fiscaux, autrement dit à la Suisse. Il alla jusqu’à comparer la Confédération helvétique à une République bananière. Un député suisse de seconde zone, chrétien-démocrate, répliqua que "Steinbrück me rappelle cette génération d’Allemands qui arpentaient nos rues en manteau et bottes de cuir, un brassard autour du bras, il y a soixante ans".

250 000 ressortissants allemands en Suisse

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Au milieu de ces tirs croisés, les Allemands de Suisse. Jamais ils n’ont été aussi nombreux. Avec 250 000 ressortissants, cette communauté arrive juste après les Italiens, et devant les Portugais et les Serbes. Depuis la signature de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, en 2004, le nombre de citoyens allemands vivant en Suisse a plus que doublé. Chaque mois, près de 3 000 nouveaux arrivants franchissent les montagnes avec des contrats de travail à temps plein et des salaires généreux.

Cette tendance avait déjà de quoi inquiéter certains, explique Baldauf en sortant un numéro plastifié de Blick titrant en Une: "Combien d’Allemands la Suisse supporte-t-elle ?". Les Allemands sont les nouveaux boucs émissaires de la Suisse, où ils ont désormais pris la place des Albanais, qui avaient remplacé les Italiens depuis quelques années.

Comment commander une bière sans se faire remarquer

Pendant cette soirée. On insistera beaucoup sur la capacité à faire des compromis. "Il est mal vu de jouer les durs devant ses collègues de travail". Voilà qui n’est déjà pas si facile pour bon nombre d’expatriés occupant des postes à responsabilité car en Allemagne, on passera peut-être plus facilement pour un faible. Ici, leur air de Monsieur-je-sais-tout est choquant. Pour exprimer un avis critique, on préfèrera les formules du genre : "Alors quoi, je comprrends bien c’que tu dis. Mais p’t-être que..." Et le conditionnel - si important en Suisse ! Au restaurant par exemple, il est beaucoup plus approprié de dire : "Serait-il possible, s’il vous plaît, de peut-être avoir une bière ?"

S’il continue de parler l’allemand classique, le ressortissant germanique passera pour un arrogant. Mais s’il essaie de parler "le Grüezi" ["bonjour" en suisse-allemand], on le soupçonnera de vouloir se moquer de l’accent suisse. La solution à ce problème semble survenir au cours du dernier chapitre abordé dans cette soirée : les affaires de cœur. Les Allemands ne devraient pas s’attendre à de grands débordements d’émotion. Pourtant : près de 20 000 sont marié(e)s avec un ou une Suisse. Comme quoi, les différences ne sont pas insurmontable.

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