Une valise géante en plein centre de Bucarest annonce l’ouverture de la première boutique Louis Vuitton en Roumanie. (AFP)

Une page si longue à tourner

Les Roumains élisent leur président le 6 décembre au terme d’une campagne dominée par la question de la corruption et de l’héritage du communisme. Mais il y reste la culture, qui préserve la place de leur pays en Europe, estime l’écrivain Julia Kristeva.

Publié le 4 décembre 2009 à 12:00
Une valise géante en plein centre de Bucarest annonce l’ouverture de la première boutique Louis Vuitton en Roumanie. (AFP)

Il y a vingt ans, juste avant la chute du Mur de Berlin, mon père était assassiné dans un hôpital bulgare qui pratiquait des expérimentations sur les personnes âgées. En guise de deuil, un genre s’est imposé à moi : le polar métaphysique Le Vieil homme et les Loups (Fayard, 1990), où le vieil homme est tué parce qu’il voit les gens autour de lui se métamorphoser en loups. Et un texte, Bulgarie ma souffrance, réflexion sur la tradition culturelle, notamment la religion, qui sommeille au fond de cette étrange "détérioration de l’intégrité politique" que diagnostique aujourd’hui l’ONG Transparency International… en Roumanie et en Bulgarie. L’actualité politique – les présidentielles du 22 novembre en Roumanie - m’y ramène, avec la crise économique, sociale et politique profonde. Si je souligne ici la situation roumaine, ce sont les développements similaires de ces deux voisins que j’ai en vue : ils posent une question qu’on préfère ignorer : sommes-nous à la périphérie ou au centre de l’Europe ?

Gel des salaires dans la fonction publique jusqu’en 2011, suppression de 130 000 postes de fonctionnaires qui, en attendant, sont mis d’office en congé pendant 10 jours, pour réduire le déficit public comme l’exige le FMI avant de débourser la 2e tranche d’un prêt à la hauteur de 20 milliards d’euros environ. 20 000 manifestants crie leur colère à Bucarest, début octobre, réclamant la démission des démocrates-libéraux, seuls aux commandes depuis l’éclatement de la coalition gouvernementale. Puis, chute du gouvernement de centre droit après l’adoption d’une motion de censure déposée par l’opposition. La balle serait dans le camp du président Traian Basescu, ancien capitaine de marine, arrivé au pouvoir en 2004 sur des promesse anti-corruption, et que les sondages donnent gagnant aux présidentielles imminentes. Alors qu’en 2008 Bucarest enregistrait une croissance de 7,1% de son PIB, ce qui faisait de la Roumanie le pays le plus dynamique de l’UE, en 2009 la chute du même PIB pourrait être de 8,5%, et le chômage atteindre 10%. Même si le système bancaire semble résister mieux qu’ailleurs à la bourrasque des subprimes. Lire la suite de l'article...

Election présidentielle

Un choix entre l’avenir et le passé

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Les Roumains sont appelés aux urnes ce dimanche 6 décembre pour le deuxième tour de l’élection présidentielle qui oppose le président sortant, Traian Băsescu (Parti démocrate-libéral) au social-démocrate Mircea Geoană. "A chaque élection, lorsque nous choisissons le futur, nous espérons qu’elle sera notre dernière bataille", [remarque l’écrivain Mircea Cărtărescu](http:// http://prezidentiale.evz.ro/emain/articolul/878472/SENATUL-EVZ-6-decembrie-o-zi-decisiva) dans Evenimentul Zilei. "Hélas, le passé revient à chaque fois et prend sa revanche. C’est la malédiction de la société roumaine, qui porte encore la trace des blessures des décennies de totalitarisme".

"Que voulons-nous ?", demande l’écrivain à ses lecteurs. "Le futur avec Băsescu ou le passé avec Geoană", dont le parti a pour président d’honneur l’ancien Ion Iliescu, qui a été le premier secrétaire du Parti communiste sous Ceausescu. "L’arrivée de Traian Băsescu au pouvoir, en 2004, a ouvert la voie à trois actions : la réforme de la justice, l’ouverture des dossiers de la Securitate et la condamnation du communisme. Avec un effet dévastateur sur la classe politico-économique composé d’hommes d’affaires corrompus et de membres de la nomenklatura". Si Geoană l’emporte le 6 décembre, "le pays retournera dans le passé et ressemblera à un Etat sud-américain, ses institutions seront prisonnières des intérêts financiers d’un groupe politico-économico-médiatique", avertit l’écrivain qui conclut : "Je ne veux pas d’une telle Roumanie."

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