Des salariés de Fiat manifestent à Rome, décembre 2009. (AFP)

La colère descend dans la rue

Face aux licenciements et alors que d’aucuns prédisent que c’est la fin de la reprise en Europe, le continent est agité par une vague sans précédent d’actions syndicales. En Espagne et en Grèce, les manifestants s’opposent aux réductions budgétaires et aux baisses des salaires.

Publié le 24 février 2010 à 14:27
Des salariés de Fiat manifestent à Rome, décembre 2009. (AFP)

L’Europe se prépare à une vague de grèves et de conflits sociaux. En effet, les salariés tentent de résister aux gouvernements et aux sociétés privées qui s’efforcent d’imposer des politiques d’austérité, de réduire les salaires et de sauver certains pays d’une faillite presque totale. De gigantesques manifestations ont eu lieu un peu partout hier soir en Espagne. Aujourd’hui, une grève générale menace de paralyser la Grèce, d’autres arrêts de travail touchent les aéroports et les raffineries en France, alors que la Lufthansa a évité de justesse une action du même type. Et sans doute ne sont-ce là que les prémisses d’une agitation sociale comme on en n’avait plus connu depuis la ferveur révolutionnaire de 1968. Par ailleurs, l’économie industrielle européenne n’a pas encore échappé à la récession. Le chômage ne cesse de croître et les appels à l’austérité se multiplient, d’où l’exaspération montante des salariés européens.

Cette semaine, le géant italien de l’automobile Fiat a brutalement interrompu la production dans toutes ses usines italiennes, contraignant au chômage technique une main d’œuvre forte de 30 000 personnes, et on annonce d’autres fermetures comparables le mois prochain. Dans le même temps, certains indices prouvent que l’inlassable sinistrose médiatique au sujet de la crise grecque commence à saper la confiance. Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, s’est dit inquiet de “l’enlisement” de la reprise européenne, développement dont les conséquences ne peuvent qu’être rudes pour l’économie britannique. La récession "à double creux" tant redoutée serait apparemment inévitable.

L'argent des pays riches ne sera peut-être pas suffisant

C’est la Grèce qui va connaître aujourd’hui les perturbations les plus aiguës. Le pays a déjà vécu des grèves sauvages et des manifestations musclées contre le Premier ministre Georges Papandréou, qui cherche à juguler le déficit béant. Hier, des manifestants soutenus par le parti communiste ont tenté de bloquer la bourse d’Athènes. Aujourd’hui, des grévistes, leur colère attisée par des réductions draconiennes dans les prestations sociales, vont neutraliser les réseaux de transports aériens, ferroviaires et maritimes. L’action va également toucher les établissements scolaires, les ministères et les tribunaux, les banques, les hôpitaux et les entreprises d’Etat n’étant pas épargnés. Détail tragicomique, même les inspecteurs des impôts ont décidé de manifester contre les tentatives de leur gouvernement pour mettre de l’ordre dans ses finances.

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C’est maintenant au tour de l’Espagne et du gouvernement Zapatero d’être confrontés à une résistance déterminée. Madrid, classée elle aussi dans ce que l’on appelle les “PIIGS”, groupe de pays catastrophiquement endettés qui englobe le Portugal, l’Italie, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne, se bat pour remettre ses finances publiques sur les rails. Pour de nombreux observateurs, une crise économique espagnole est plus à craindre que des difficultés en Grèce, tout simplement parce que l’économie espagnole est cinq fois plus importante que celle de la Grèce, et que même les ressources des membres les plus riches de la zone euro, et de l’Allemagne en particulier, risquent de ne pas suffire à la sauver.

Le danger des politiques déflationnistes

Hier soir, Madrid, Valence et Barcelone ont été le théâtre de manifestations contre les plans prévoyant de porter l’âge de la retraite à 67 ans. Les incidents vont s’étendre au reste du pays d’ici la fin de la semaine. En fait, les problèmes économiques de l’Espagne pourraient bien s’avérer plus insolubles encore que ceux de la Grèce. L’économie espagnole a été propulsée par une bulle de l’immobilier dans les années de prospérité, et la dépression qui a suivi a été plus grave que chez la plupart des autres membres de la zone euro, dont la Grèce. Les chiffres montrent que Madrid n’est toujours sortie de la récession, et qu’elle en paie le prix social et économique avec un chômage situé à 20 %, 35 % des jeunes se trouvant sans emploi, le taux le plus élevé de la zone euro.

Ainsi l’Irlande, la Grèce, l’Espagne et d’autres subissent ce que les économistes définissent comme une “dévaluation interne”, euphémisme qui revient en réalité à pratiquer des coupes sombres dans les salaires et les coûts et à laisser si besoin est le chômage crever le plafond. Le problème, comme le suggère entre autres le prix Nobel de l’Economie Joseph Stiglitz, c’est que ces politiques déflationnistes menacent d’aggraver la rétractation de ces économies, ce qui déclencherait une crise budgétaire encore plus grave, les revenus fiscaux s’effondrant tandis que les allocations chômages augmenteraient.

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