Actualité Commission européenne

Face à la crise, Bruxelles est dans le déni

Malgré l'évidence que les politiques d'austérité conduisent des pays membres dans une agonie économique de plus en plus profonde, la Commission européenne a présenté son rapport annuel le 30 mai cherchant à défendre une stratégie en faillite, selon le journaliste économique du Guardian.

Publié le 31 mai 2012 à 14:42

Avec le rendement des obligations espagnoles qui pourrait bientôt dépasser la barre des 7%, l’économie grecque en plein marasme et l’avenir de la monnaie unique sérieusement remis en question, le calendrier n’aurait pu être plus favorable pour la publication par Bruxelles d’un rapport sur l’économie des 27 membres de l’UE. C’était le moment idéal pour la Commission européenne de faire un bilan, d’évaluer le bien-fondé des politiques menées et d’annoncer un plan de lutte contre la crise.

Ce document reflète l’atmosphère morose qui prévaut à Bruxelles. La Commission européenne reconnaît que l’union monétaire traverse la plus mauvaise passe depuis sa création. Elle reconnaît aussi (plus ou moins) que les politiques menées actuellement ne fonctionnent pas. Et en désespoir de cause, elle fait des propositions sur la meilleure manière de sortir l’Europe de cette situation : des euros obligations, une union bancaire et l’injection directe de liquidités dans les banques les plus fragiles grâce au fond permanent de secours financier.

Cela a peut-être suffi à rassurer les marchés, heureux de voir que Bruxelles était peut-être un peu moins incompétente qu’elle n’en avait l’air ces derniers mois. Mais en matière de stratégie pour résoudre la crise, c’est encore raté. Car toutes ces propositions ne datent pas d’hier et se sont toutes heurtées à un "Nein" sonore de la part d’Angela Merkel.

Une orgie de prêts du secteur privé

Le problème de fond, c’est qu’encore aujourd’hui, la Commission européenne est dans le déni le plus abject concernant l’échec retentissant de sa stratégie reposant sur l’austérité budgétaire. Dans le ventre mou de la zone euro, les pays voient leurs finances publiques se détériorer alors que leurs économies se languissent en récession. Pour certains pays, comme la Grèce, le problème a toujours été un excès d’emprunts publics, pour d’autres, comme l’Espagne et l'Irlande, les problèmes ont commencé avec une orgie de prêts du secteur privé qui a conduit l’Etat à devoir payer la note après l’éclatement des diverses bulles.

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Comme il fallait s’y attendre, les effets conjugués d’une croissance faible et de banques fragilisées donnent des finances publiques anémiques. Une aide financière a été offerte aux pays les plus endettés mais uniquement à condition qu’ils remplissent des objectifs drastiques en matière de réduction des déficits. Les restrictions budgétaires associées aux augmentations d’impôts ont été fatales pour la croissance, ont fragilisé encore davantage les banques et les objectifs de réduction des déficits n’ont pu être atteints, parfois de manière spectaculaire.

C’est ce qui s’est passé en Grèce où la reprise prévue pour 2013 a été sans grande surprise une fois de plus ajournée. Plusieurs facteurs ont empêché sa venue : l’instabilité politique, l’agitation sociale, des problèmes liés à sa capacité administrative et une récession bien plus sévère que ce qui avait été prévu, indique le rapport.

Cette description a beau résumer parfaitement la situation, rien ne semble indiquer que – même encore maintenant – Bruxelles en ait pris toute la mesure. Elle évoque un juste équilibre entre le besoin de consolidation, de réforme et de croissance mais sans accepter le fait que le dosage actuel est parfaitement inadapté.

L’Europe a besoin de trois choses : un plan de croissance, un plan de recapitalisation des banques et un plan pour répartir les pressions budgétaires de manière plus équitable entre les riches pays du Nord et les pays pauvres du Sud. Pour l’instant, Bruxelles n’a rien fait de tout cela. C’est pourquoi l'Europe vit ses dernières heures.

Union européenne

“L’Europe au bord de l’infarctus”

La lecture du rapport de la Commission européenne rendu public le 30 mai inspire un constat sévère à Mediapart :

La Commission européenne semble à peine s’apercevoir de (la) débâcle. [...] En un mot, malgré toutes les alarmes, toutes les mises en garde venues de partout, […] la Commission ne dévie pas de son chemin : on ne change pas une stratégie qui perd.

Après avoir énuméré la litanie des maux grecs et espagnols, le site s’étonne qu’à

aucun moment, ils [les experts] ne semblent se poser, non pas la question de l’iniquité de la mesure - trop loin de leurs préoccupations - mais au moins celle de son opportunité, alors que l’économie est en pleine dépression avec des millions de personnes au chômage.

Le site évoque la feuille de route envoyée à la France, faite de réformes structurelles et d’avertissements sur les déficits publics, qui illustre le fait que, pour la Commission, “le débat sur la croissance est donc tranché avant même d’avoir été engagé”. Et conclut :

Après avoir attendu des signes politiques qui ne sont pas venus, c’est la finance qui risque de trancher le sort de l’Europe, dans le plus grand désordre et la plus grande violence.

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