Actualité Agences européennes
Extrait d’un film de Napo pour l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA). Image: osha.europa.eu

Trop nombreuses, trop chères, trop tout

Immigration, pêche, OGM… 28 agences sont censées traiter des affaires communautaires au plus près des citoyens. Mais elles sont aujourd’hui trop coûteuses et parfois mal gérées. Une dérive que Bruxelles entend enrayer.

Publié le 24 mars 2010 à 11:41
Extrait d’un film de Napo pour l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (OSHA). Image: osha.europa.eu

Près de 1 600 kilomètres séparent Varsovie d'Athènes. C'est pourtant dans la capitale polonaise que les chefs d'Etat européens ont choisi d'installer en 2004 le siège de Frontex, l'agence de contrôle de l'immigration aux frontières extérieures. Semblant oublier que la majorité des clandestins qui parviennent chaque année à gagner l'Europe transitent par les pays méditerranéens.

"Vouloir gérer des bateaux militaires et des garde-côtes le long des côtes maltaises depuis Varsovie, c'est tout de même un drôle de choix", soupire l'eurodéputée allemande Ingeborg Grässle, membre de la commission budgétaire du Parlement européen. Les dirigeants européens ont fini par se ranger à la raison, en décidant, en février, de créer une succursale de Frontex au Pirée. En novembre 2009, ils avaient déjà accepté de créer à Malte le futur bureau européen d'appui en matière d'asile, doté d'un budget de 5 millions d'euros, et qui entrera en service en septembre.

Toujours plus d'agences

Ainsi fonctionnent les agences européennes. Un problème ? Vite, les Vingt-Sept créent une agence, un office, un bureau, un institut, un observatoire ou une autorité ... Au total, il existe 28 organismes de régulation communautaires, éparpillés aux quatre coins de l'Europe, de Vigo à Helsinki, d'Héraklion à Parme. Leur mission ? Surveiller les OGM, calculer la durée du travail, assurer l'enregistrement des brevets, contrôler la pêche. Mais ces petites antennes européennes qui avaient pour but, à l’origine, de rapprocher l'Europe des citoyens, finissent par coûter cher : à l'exception de cinq d'entre elles qui s'autofinancent, elles vivent grâce aux subventions communautaires (1,24 milliard d'euros en 2008). Leurs effectifs ont doublé en cinq ans, passant de 2 250 à 4 460. "Les agences poussent comme des champignons, de façon non raisonnée, au gré des demandes des États membres", s'insurge Véronique Mathieu, députée européenne.

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Inutile pourtant de songer à tailler dans les agences, tant la susceptibilité des Etats est grande. Or, la décision de créer une nouvelle structure relève directement des chefs d'Etat. Les sommets européens donnent régulièrement lieu à des empoignades homériques, chaque dirigeant se battant pour obtenir chez lui l'installation d'une nouvelle agence, gage de pouvoirs et d'emplois : en décembre, les Slovènes ont coiffé au poteau les Roumains et les Slovaques, en remportant le siège de la future agence de régulation européenne de l'énergie. "Si le Conseil était vraiment honnête, il accepterait de fermer des agences", rétorque la députée allemande Ingeborg Grässle, qui pointe du doigt leurs missions souvent redondantes. Deux agences, à Thessalonique et à Turin, sont par exemple en charge de la formation professionnelle. De même, Eurofound (à Dublin) et l'Osha (à Bilbao) s'occupent des conditions de travail.

La ligne jaune franchie

L'autre urgence, tout aussi difficile à mettre en oeuvre, est le contrôle de ces agences. Car les dérapages se multiplient. Souvent trop petites en taille et débordées par les tâches administratives, les agences communautaires ont bien du mal à respecter les règles imposées par Bruxelles. Et elles sont souvent tentées d'en faire à leur guise. Surestimations des besoins de trésorerie, profusion de recrutements, absence de transparence dans les appels d'offres, abondent dans les rapports de la Cour des comptes qui leur sont consacrés. L'agence chargée de la reconstruction dans les Balkans a par exemple signé un chèque de 1,4 million d'euros à l'Unicef. Une opération "entachée d'irrégularités" , relève le gendarme européen. Il arrive aussi que les agences franchissent la ligne jaune. C'est le cas du Cepol, le Collège européen de police, implanté dans la grande banlieue londonienne, qui fait actuellement l'objet d'une enquête de l'Olaf, l'organisme anticorruption de l'Europe.

Deux de ses employés sont accusés d'avoir détourné de l'argent à des fins privées. Discrètement, le directeur suédois de l'agence a quitté son poste fin janvier et a été remplacé par l'ancien numéro deux de la police hongroise. Pour marquer son mécontentement, la Commission a coupé le budget du Cepol, lui ôtant 1 million d'euros de subventions. Le scandale a rappelé aux dirigeants européens qu'il était urgent de réformer le mode de fonctionnement des agences européennes. Les Vingt-Sept se sont entendus en 2009 pour mettre le frein sur les subventions et les recrutements. Quant au président de la Commission, il a convoqué le mois dernier l'ensemble des directeurs d'agences pour "un échange de vues sur l'approche future de l'Union européenne en matière de gouvernance des agences". Un jargon très bruxellois qui cache mal la volonté de reprise en main de ces créations européennes devenues incontrôlables.

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