L’Europe n’a pas le monopole de la démocratie

L’Europe n’a pas à recevoir de leçons de démocratie, a affirmé lors du G20 de Los Cabos, au Mexique, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Pourtant, il faut reconnaître que la construction européenne est moins démocratique qu’on veut bien le croire. Et la crise n’aide en rien.

Publié le 20 juin 2012 à 15:26

José Manuel Barroso n’a pas toujours été l’homme à la tête d’une Commission européenne n’ayant aucune prise sur la crise financière. Dans sa jeunesse, son pays d’origine, le Portugal, était sous le joug d’une dictature. Son engagement politique est enraciné dans d’authentiques opinions démocratiques.

Au sommet du G20 de Los Cabos, quand il a déclaré que l’Europe n’avait à recevoir de leçons de personne, et certainement pas de pays qui ne sont pas des démocraties, ses propos n’étaient pas l’expression d’une mauvaise humeur fortuite. Ils concernaient une question qui correspond chez lui à une profonde conviction.

Sa prise de position soulève néanmoins deux problèmes. Tout d’abord, l’Europe est une construction moins démocratique que M. Barroso ne le prétend. Il y a un fossé entre sa population et son administration. Cela vient pour une part de l’habitude perverse des dirigeants nationaux d’attribuer systématiquement la faute de tous les dysfonctionnements à “Bruxelles”, à l’Europe donc.

Mais l’Europe ne se limite pas à cela. Elle est la réponse noble et héroïque d’une élite politique à la Seconde Guerre mondiale. En tant que tel, ce projet politique est le plus important de notre époque. Mais peu à peu, les raisons qui ont présidé à la naissance de l’Europe s’avèrent insuffisantes pour légitimer un processus d’unification durable.

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Une démocratie imparfaite

Avant que la crise de l’euro n’attire toute l’attention sur elle, il devenait de plus en plus difficile de s’entendre sur l’élargissement ou sur l’approfondissement de la construction européenne. Tant que l’Union était le moteur d’une prospérité, d’une sécurité et d’une liberté croissantes, on ne le remarquait pas trop. Cela nous amène au deuxième problème que soulèvent les propos qu’a tenu M. Barroso au Mexique.

Même si l’on considère l’Europe comme une démocratie, certes à divers degrés et par conséquent imparfaite, on ne peut manquer de constater que son modèle de croissance semble totalement dépassé. Les régions où notre modèle rhénan [système socio-économique basé entre autres sur le partenariat entre syndicats et patronat] n’existe pas sont manifestement confrontées à des oppositions et des injustices sociales plus marquées. Elles sont moins stables, confrontées à de plus grands chocs entre l’euphorie et la dépression.

Dans le meilleur des cas, nous sommes un modèle de société supérieur, plus proche que tout autre de la notion du “plus grand bien du plus grand nombre”. Mais par moment, d’autres systèmes, celui des Etats-Unis par sa souplesse ou celui de la Chine par son dynamisme, constituent une concurrence économique et politique face à laquelle la vieille Europe, parvenue à sa maturité, ne semble pas avoir la force de résister.

Vers plus d’efficacité

Les deux problèmes fondamentaux de l’Europe s’accentuent mutuellement. Le malaise de ses habitants face à un mécanisme opaque de prise de décisions politiques s’accroit rapidement maintenant que l’Europe s’avère incapable de sauver d’une spirale infernale l’euro, la pierre angulaire de l’unification.

On est donc en droit de craindre que l’échec de l’euro porte une blessure fatale à l’intégration européenne. En tenant de tels propos, M. Barroso met le doigt, peut-être involontairement, sur la véritable plaie : l’Europe peut-elle devenir à la fois plus démocratique et plus efficace, par conséquent se renforcer tant sur les plans politique qu’économique ? Ou bien ces deux objectifs sont-ils incompatibles ?

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