Idées Crise de la zone euro

Berlin revient à la realpolitik

Après un été fébrile, c’est un automne plus tranquille qui se profile pour la zone euro : les pays du Nord, à commencer par l’Allemagne, font preuve de davantage de pragmatisme. Ils ont compris que la fin de l’euro provoquerait un séisme au sein et en dehors de l’UE, mais ils ne lâchent pas prise pour autant, car on est encore loin d’une solution.

Publié le 23 août 2012 à 14:54

Le calme après la tempête devra attendre. On ne sait pas encore combien de temps. Mais, après un été torride, qui s’est révélé finalement moins éprouvant que ce que l’on craignait, on entrevoit un automne certes toujours chaud pour l’euro, mais plus gérable et mieux géré que par le passé. Après deux années d’agitation, les esprits se sont calmés et on est passé à une approche plus posée, rationnelle et équilibrée de la crise.

Extrémismes, dogmatismes et populismes n’ont pas disparu pour autant. Tout comme la récession économique et le chômage qui contribuent largement à les alimenter. En Allemagne, la Bundesbank et une partie du Bundestag campent sur leur position d’orthodoxie absolue et continuent de hausser le ton, tout comme la Banque centrale européenne (BCE). Mais le débat allemand se fait plus subtil. Angela Merkel en particulier semble s’être persuadée que pour sa réélection à la chancellerie, il vaut mieux se présenter aux législatives de septembre 2013 avec l’euro plutôt que sans lui. L’effondrement de la monnaie unique provoquerait un choc extrêmement coûteux et aurait des conséquences imprévisibles en Europe et ailleurs.

Pression nécessaire

Il n’y a pas que la chancelière qui se soit convertie au pragmatisme. Même le Premier ministre finlandais Jyrki Katainen, celui-là même qui avait demandé de la Grèce des garanties supplémentaires avant de débloquer sa part des aides, parle à présent d’ “une plus grande intégration politique et non pas de son contraire” afin de renforcer l’euro. Dans les tout aussi rigoristes Pays-Bas, le leader socialiste Emile Roemer, probable vainqueur des élections du 12 septembre, tonne contre l’austérité et promet que la réduction du déficit sous la barre des 3% du PIB ne se fera pas avant 2015, c’est-à-dire deux ans après la date à laquelle son pays s’était engagé à le faire.

Cela signifie-t-il une bouffée d’air frais concédée par les pays du Club de la rigueur, des coupes budgétaires et de la récession ? Non. Ni Berlin, ni ses alliés du Nord, ni la BCE de Mario Draghi n’ont l’intention de relâcher la pression qu’ils estiment nécessaire pour retrouver la stabilité, la cohésion et la crédibilité de la zone euro. Pourtant, tous semblent prêts à prendre en compte la réalité et les coûts injustes de la crise qui pèsent sur certains pays comme l’Italie, au bénéfice d’autres comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la France.

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C’est dans ce climat plus réaliste et constructif que le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker était le 22 août à Athènes pour rencontrer le Premier ministre grec Antonis Samaras, qui doit se rendre à Berlin le 24 et à Paris le 25, alors que le 23, François Hollande et Angela Merkel se rencontrent en tête-à-tête à Berlin. Une fois posé, comme cela semble être le cas, que la “Grexit” de l’euro a été mise au placard au nom de la défense de l’intégrité de la monnaie unique, une solution finira par être trouvée. Comme on l’a vu en Espagne et alors que les tensions autour du sort de l’Italie semblent se calmer.

Démasquer le bluff français

Il ne faut pas baisser la garde pour autant. La maladie de l’euro est loin d’être guérie. Au contraire. Grâce à un concours de circonstances, notamment politiques, la France à échappé à la léproserie méditerranéenne. Mais elle souffre des mêmes symptômes. Et elle devra les soigner au plus vite et de manière crédible, si elle ne veut pas que les marchés décident tôt ou tard de démasquer son bluff.

Pour le moment, François Hollande est apparu comme un président évanescent. Sa faiblesse et celle de son pays pourraient le disqualifier dans le match qui se joue sur la cession de la souveraineté nationale en matière de budget — d’Union fiscale pour parler le langage de Bruxelles — condition essentielle fixée par l’Allemagne pour assurer sa solidarité envers la zone euro. C’est-à-dire, garantir la survie de la monnaie unique.

Ce retour à une attitude plus raisonnable un peu partout en Europe permet d’être modérément optimiste. Mais ne suffit pas à dissiper les nombreuses inconnues, à commencer par le talon d’Achille français, qui continuent de tourmenter le destin de l’euro.

Vu d'Athènes

L’Allemagne met un maximum de pression

Les déclarations d’Angela Merkel - selon lesquelles son entrevue avec Antonis Samaras le 24 août ne déboucherait sur aucune décision avant le rapport de la troïka remis fin septembre — et celles du ministre des Finances néerlandais Jan Kees de Jager, qui s’est dit opposé au délai demandé par le Premier ministre grec pour mettre les réformes en œuvre - ont fait l’effet d’une douche froide en Grèce : “Tout espoir, même le plus petit, d’un résultat lors du déplacement de Samaras à Berlin est tué dans l’œuf”, écrit ainsi To Vima. Selon le quotidien athénien,

la position de Berlin et de ceux qui le suivent est claire : les Allemands ont décidé d’augmenter la pression, et ce, pour deux raisons. D’abord, parce qu’ils croient que plus la pression est forte, plus le gouvernement grec sera contraint de tenir ses engagements. Et que, au contraire, le moindre geste de compréhension pourrait être synonyme de relâchement des efforts. Ils préfèrent donc la violence comme seule issue. La deuxième raison est plus profonde et a à voir avec la crédibilité chaque jour plus faible de la Grèce, qui a beaucoup promis et a fait bien peu ces dernières années. Les Allemands estiment, tout simplement, que la Grèce n’a pas rempli ses obligations sous les quatre derniers gouvernements.

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