Actualité L'humour en Europe (10/10)
Thanassis Véngos dans "Marlon Brando ne m'arrive pas à la cheville". Grèce 1963.

Les vieilles comédies grecques, remèdes à la crise

Pour clore sa série sur l’humour, Le Monde fait escale à Athènes, où les films des années 1950 remettent à l’honneur le rire qui donnait du courage et nourrissait l’envie d’aller de l’avant. Des mots d’ordre on ne peut plus d’actualité.

Publié le 31 août 2012 à 13:50
Thanassis Véngos dans "Marlon Brando ne m'arrive pas à la cheville". Grèce 1963.

Heureusement que la crise n'empêche pas de rire. Les Grecs rient de leurs hommes politiques et d'Angela Merkel (sans être toujours drôles, quand ils l'affublent d'une croix gammée). A la télévision, le comique Lakis Lazopoulos bat les records d'audience, dans son numéro satirique hebdomadaire. Il est même parti faire un tour du monde, avec son spectacle "Désolé, je suis grec !". Pendant l'été, le public se précipite dans le site antique d'Epidaure aux comédies d'Aristophane (dans lesquelles on parle souvent de dettes).

Mais il est une valeur sûre, presque inconnue dans le reste du monde, qui fait rire les Grecs de toutes les générations, et qui connaît une sorte de seconde vie avec le traumatisme de la crise. Il s'agit des vieilles comédies des années 1950 et 1960 qui passent en boucle à la télévision, particulièrement le week-end. Dans ces films en noir et blanc ou en couleurs primaires façon sixties, les Grecs rient d'un pays qui se transforme et se modernise, et où tout se termine, en tout cas le plus souvent, par des chansons.

Ces comédies sont servies par de grands acteurs comiques qui n'ont guère passé les frontières. La Grèce a connu des dizaines de De Funès, Fernandel, Bourvil, qui s'appellent Thanassis Véngos, Kostas Voutsas, Lambros Konstandaras, Kostas Hadzichristos ou chez les femmes, Rena Vlachopoulou ou Aliki Vouyouklaki. Ces stars ont été adulées au cinéma comme au théâtre dont elles sont souvent issues.

Eloge de la petite combine

Dans le dernier roman de Vassilis Alexakis, Le Premier mot, paru en 2010, une femme grecque réjouit sa famille installée à Paris, en apportant ces films en DVD. "La Grèce des années 50 a surtout besoin de rire. Elle est pressée d'oublier l'Occupation, la famine, la guerre civile", dit un personnage. Elle essaie aujourd'hui d'oublier la crise en regardant ces films constamment diffusés, et avec succès, à la télé.

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Car depuis quelques années, le regard sur cet "âge d'or du cinéma commercial grec", qui raconte la montée des classes moyennes, prend un sens plus aigu. "Il y a une grande nostalgie. On y reconnait un passé où il faisait bon vivre, où les choses progressaient et qui ressemble aujourd'hui à un petit paradis perdu", explique le critique de cinéma, Michel Démopoulos.

Les films se moquent du carcan familial et font l'éloge de "la petite combine, du plan élaboré par le héros pourtant intègre, pour gagner le peu d'argent qui le sortira d'une passe difficile", écrit Elise-Anne Delveroudi, dans Le Cinéma Grec.

Le succès comique des films reposent sur les acteurs et sur les dialogues. "Ces films ne sont pas très orignaux d'un point de vue cinématographique, mais ils sont souvent très bien écrits, avec des répliques savoureuses que tout le monde connaît par coeur. Les trentenaires de la génération des années 1970- 80 organisent des sortes de soirées karaoké où ils reprennent en coeur les répliques", raconte Michel Démopoulos. Un peu comme pour Les Tontons flingueurs, en France. Mais en version plus "résiné".

Les épisodes précédents :

*La satire allemande, une tradition bien organisée***L’autodérision italienne, un sport national Le feuilleton suédois qui éclate la classe moyenneGrivois, immoral et hilarant comme un flic espagnolLe rire roumain, une forme de révolte politiqueLe pince-sans-rire britannique, une affaire sérieuse**[L’art de la caricature ou l’audace islandaise](2589431)[Surréalisme et “zwanze”, la recette belge](2595111) Le Kremlin, éternel sujet de moquerie

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