Un champ de colza dans le comté du Wiltshire, Angleterre

Pas si verts que ça

En introduisant, le 10 juin, une nouvelle certification pour les biocarburants, la Commission européenne entend, entre autres, lutter contre la déforestation. Mais les biocarburants sont gourmands en terres cultivables. Et si l’on déplace les surfaces agricoles, il faudra déboiser ailleurs…

Publié le 16 juin 2010 à 10:13
Un champ de colza dans le comté du Wiltshire, Angleterre

Pour produire du biocarburant - ou agrocarburant – des forêts sont souvent détruites, pour faire place aux cultures nécessaires. Voilà pourquoi il peut difficilement être qualifié de "durable". C'est pourquoi la Commission européenne a annoncé cette semaine l'adoption d'une réglementation destinée à certifier le ’vrai’ biocarburant durable. Mais cette nouvelle démarche tient-elle compte des critiques formulées à l’égard du degré de durabilité des biocarburants ?

L'effet indirect du biocarburant

Jan Ros, responsable du projet Bio-énergie duBureau du Plan néerlandais pour l’environnement (PBL), estime que la Commission a encore beaucoup de progrès à faire en ce sens. Certes, la création d'un label de durabilité permettra peut-être d’éviter que des forêts entières ne succombent au profit de l’huile de palme ou de l’huile de colza qui servent à la fabrication de biocarburants. Mais on peut imaginer que ce colza sera cultivé sur un sol où poussait auparavant du blé destiné à l’alimentation. Et que ce blé devra alors migrer vers d’autres terres sur lesquelles se trouvent peut-être des arbres. Dans ce cas, plutôt que de diminuer, les émissions de gaz à effet de serre, augmenteront. La directive de la Commission européenne ne tient pas encore compte de cet "effet indirect".

"C’est une source de préoccupation", constate Jan Ros. La Commission a bien conscience de ce problème et elle est en train d’étudier des critères complémentaires pour pouvoir définir avec plus de précision la durabilité des biocarburants. Le problème est difficile à résoudre. Jan Ros, qui travaille régulièrement avec les experts bruxellois, suggèrent la création de logiciels qui permettraient de calculer et d'analyser les données de la production agricole mondiale. "Si par exemple une céréale disparaît au profit du colza, il faut s'interroger sur les effets de cette disparition sur la demande mondiale de céréales.” Ces modèles informatisés sont très complexes car ils doivent tenir compte de nombreux facteurs, comme l’augmentation de la population mondiale. "Mais, au moins, ils permettraient de donner une évaluation des risques”, explique Ros.

Le nouveau défi de la durabilité

Supposons que les logiciels de calcul montrent que la production croissante de biocarburants conduit indirectement à la disparition de zones naturelles, que pourront faire les responsables politiques tels que la Commission européenne pour y remédier ? Une solution peut consister à intensifier la production alimentaire, de façon à obtenir une plus grande récolte sur la même surface. Mais si cela implique l'utilisation massive d’engrais chimiques, on aboutira à une augmentation toujours plus importante de gaz à effet de serre. Une autre option à l'étude consiste à utiliser davantage de produits résiduels de la culture des céréales alimentaires. Il est également envisageable de limiter les cultures destinées aux biocarburants à des terres impropres à la production alimentaire.

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L’Europe pourrait aussi tout simplement augmenter ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ou encore récompenser les pays qui, par une gestion productive de leur agriculture, évitent d’utiliser de nouvelles terres. Pour Jan Ros, il s'agit d'un "nouveau défi incontournable pour la durabilité. Non seulement chaque chaîne de production doit être propre, mais il est aussi essentiel de se demander combien de ces chaînes le monde peut supporter.

Objectif 2020

Les ambitions de l’UE nécessitent 2 à 5 millions d’hectares de terres agricoles

Les Vingt-Sept ont convenu qu'en 2020, 10 % des carburants pour le trafic routier devront provenir de sources renouvelables. L’essence classique peut être remplacée par le bioéthanol, fabriqué à partir de sucre ou de céréales. Le biodiesel, produit à partir d’huile végétale tirée par exemple de palmiers à huile ou de colza, remplace pour sa part le gazoil. D'après les calculs des experts de la Commission, entre 2 et 5 millions d’hectares de terres agricoles seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Selon les derniers chiffres disponibles, 45% des carburants alternatifs utilisés dans l’UE se composent de biodiesel, 15 % d’éthanol et 10 % d’huile végétale pure. Entre un quart et un tiers des biocarburants utilisés en Europe vient de l’étranger. En 2008, 3,4% des carburants utilisés dans l’UE étaient des biocarburants.

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