Le Premier ministre britannique David Cameron.

Pour Londres, le vrai test de l’appartenance à l’UE commence

Le 31 octobre, conservateurs eurosceptiques et travaillistes ont voté un amendement demandant une réduction du budget de l’UE. Un échec pour le Premier ministre David Cameron, acculé dans une position intransigeante qui sera difficile à tenir lors des négociations à venir. Mais c’est un risque à prendre, assure le Daily Telegraph.

Publié le 2 novembre 2012 à 16:16
Le Premier ministre britannique David Cameron.

Le vote de la Chambre des communes réclamant une réduction du budget de l’UE pourrait bien faire date après quarante années d’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne. Si le gouvernement soutient que la décision prise mercredi soir n’a aucun caractère contraignant, il est indéniablement politiquement inconcevable que David Cameron accepte aujourd’hui ne serait-ce qu’un gel des dépenses réelles lors des négociations qui se dérouleront à Bruxelles dans le courant du mois.

Avec le soutien d’autres Etats membres, David Cameron estime pouvoir obtenir un accord sur sept ans prévoyant l’ajustement sur l’inflation des revalorisations annuelles du budget de l’Union européenne. Mais cela reviendrait toujours à donner plus d’argent à l’UE ; et les députés sont visiblement las des promesses de réformes à venir. A l’heure où les ministères, les municipalités, les hôpitaux, la police et ainsi de suite sont tous contraints de réduire sérieusement la voilure, il est inacceptable que l’UE ne fasse pas de même. A vrai dire, la question ne devrait même pas faire l’objet d’un débat. La Chambre des communes a parlé au nom d’un pays à qui l’on demande de faire des sacrifices que la bureaucratie hypertrophiée de Bruxelles refuse d’envisager.

Certes, le soutien de l’opposition à l’amendement proposé par le député conservateur Mark Reckless appelant à une réduction des dépenses relève d’un profond cynisme. Lors de chacune des 13 années du parti travailliste au pouvoir, les dépenses de l’UE ont augmenté davantage que l’inflation, et une bonne partie du rabais arraché de haute lutte par le pays a été consentie en échange de réformes des dispositifs d’aide à l’agriculture qui n’ont jamais vu le jour. Lorsque le parti travailliste a quitté le pouvoir, la contribution nette de la Grande-Bretagne avait bondi de 47%. Arguer aujourd’hui que l’UE doit réduire ses dépenses en valeur réelle témoigne d’un opportunisme grotesque.

Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés. David Cameron regrette peut-être amèrement la défaite essuyée mercredi soir, mais l’heure est venue pour la Grande-Bretagne de prendre position contre la prodigalité et l’incontinence budgétaire de la Commission européenne. Greg Clark, le secrétaire d'Etat au Trésor, a fait savoir aux députés que la Commission avait ignoré une requête britannique invitant l’institution à examiner les coups de rabot possibles dans ses dépenses administratives, au motif que son personnel surpayé n’avait pas le temps. A l’heure où les gouvernements sabrent dans leurs propres dépenses et où certains Etats membres sont de facto insolvables, ce genre d’effronteries ne devrait plus être toléré.

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Le revers de mercredi soir va au-delà de la question budgétaire. Il faut le considérer dans le contexte élargi de l’avenir (et de l’aliénation croissante) de la Grande-Bretagne au sein de l’UE. Quand on entend des ministres comme Michael Gove [ministre de l’Education] remettre ouvertement en question les mérites de notre adhésion à l’UE, on a clairement l’impression que, après quarante années passées au sein de l’Union européenne, nous sommes arrivés à la croisée des chemins. Le gouvernement doit maintenant prendre le bon.

Négociations

L'Europe en liquidation

Les résultats des négociations en cours sur le budget de l’UE dépendront de trois questions sensibles : la taille du budget, sa redistribution, et les rabais nationauxsouligne Radovan Geist, rédacteur en chef de Euractiv.sk, dans Pravda. Il ajoute que,

Ces trois questions sont la charnière d’une même problématique - combien sommes-nous prêts à payer pour notre avenir commun ? La question du rabais semble être la priorité, les dirigeants ayant tendance à penser qu’ils peuvent obtenir ce futur avec une remise.

Pour Geist, l’un des exemples les plus frappants est la remise britannique négociée par Mme Thatcher en 1984, qui continuera à être appliqué pendant sept années, même si la Grande-Bretagne “n’est plus un pauvre Etat membre”, mais un des plus gros contributeurs par habitant. Les autres pays membres qui bénéficient de rabais sont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, qui figurent tous parmi les plus gros contributeurs, en termes absolus et par habitant. Il y a tout juste quelques jours, le Danemark - le deuxième plus gros contributeur, par habitant -, a demandé un rabais budgétaire.

La France et l’Italie - respectivement deuxième et troisième contributeurs, en termes absolus - n’ont pour l’instant rien demandé; mais on s’attend à ce qu’ils exigent une compensation, sous la forme de concessions sur l’agriculture et la politique régionale. Et la Finlande pourrait également en demander une.

Les dirigeants européens oublient que les dépenses de l’UE sont d’abord et avant tout un investissement dans les objectifs que se sont fixés tous les Etats membres. [...] Au lieu d’obtenir une Europe au rabais, il se peut qu’ils se retrouvent avec une Europe bradée lors d’une vente de liquidation des stocks.

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