Place aux jeunes !

Le vieillissement de la population européenne, confirmé récemment par Eurostat, ne veut pas seulement dire qu’il faudra financer davantage de retraites, mais aussi qu’il y a moins de jeunes motivés et compétents pour faire tourner l’économie. Voilà pourquoi il faut avant tout créer un environnement attractif pour les forces vives du continent, estime l’économiste italienne Irene Tinagli.

Publié le 6 août 2010 à 12:29

Quel effet aura le ralentissement démographique sur l’avenir de l’Europe ? De nombreux centres de recherche se le demandent depuis longtemps. Le taux de natalité continue de baisser dans de nombreux pays. Avec la crise, les flux migratoires ont eux aussi diminué et ne semblent plus suffire à inverser la tendance. La principale crainte, surtout pour les dirigeants politiques, c’est qu’une entité telle que l’Europe, qui compte à peine un demi-milliard d’habitants, disparaisse en termes d’influence globale face à des géants tels que la Chine ou l’Inde, dont les populations dépassent chacune le milliard.

La population a évidemment son importance : un président qui représente un milliard de concitoyens n’a pas le même poids qu’un autre représentant un petit nombre, notamment parce que des populations nombreuses alimentent le marché et la consommation et attirent des investissements. Mais il est tout aussi évident que le nombre ne peut à lui seul constituer une puissance, ni politique, ni économique. La structure démographique d’un pays - tout comme sa structure économique et sociale - n’est pas seulement déterminée par le nombre. La question est aussi qualitative. De ce point de vue, ce n’est pas la baisse démographique qui est préoccupante en elle-même, mais le vieillissement progressif de la population. La grande puissance de l’Inde ne tient pas seulement à son 1,1 milliard d'habitants, mais au fait que 50% de cette population a moins de 25 ans et que 65% n’a pas 35 ans. En Chine, l’âge moyen est de 34 ans. Pour faire une comparaison l’âge moyen en Italie est de 43 ans, en Allemagne 44 ans et en France, un des pays les plus "jeunes" d’Europe, de 40 ans.

Les jeunes, moteur de l'économie

Le vieillissement de la population européenne n’a pas seulement, comme on le rappelle souvent et avec raison, de lourdes conséquences sur le système des retraites et des dépenses sociales. Il a aussi des effets importants sur la productivité, la capacité d’innovation et la production d’un pays. Or, on ne réfléchit pas suffisamment à ces questions. Certes on se demande ce qu’implique le fait d’avoir autant de personnes âgées, mais beaucoup moins ce que signifie avoir peu de jeunes. Avoir une population plus jeune, c’est avant tout posséder une force de travail active, avec une formation et des compétences fraîches, récentes. Un jeune de 25 ans armé d’un diplôme tout neuf saura utiliser toutes les nouvelles technologies, tandis qu’une personne de 45 ou 50 ans aura, dans le meilleur des cas, obtenu le sien il y a plus de 20 ans, probablement en tapant son mémoire ou sa thèse sur une machine à écrire.

Un jeune de moins de trente ans travaille généralement plus d’heures pour un salaire qui n’est pas encore gonflé par les années d’ancienneté et de carrière. En d’autres termes, il produit davantage et à un coût inférieur, il a une plus grande envie de s’affirmer, d’apprendre, et en général il aide le système à se mouvoir plus rapidement, à produire et à innover à un rythme plus soutenu et à moindre coût. Ceci est d’autant plus vrai dans les économies les plus dynamiques, où les "investissements" en termes d’instruction et de travail sont les plus rentables.

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Dans une Europe où la classe moyenne a explosé il y a maintenant plusieurs décennies, et où les familles sont de plus en plus constituées autour d’un enfant unique, la nouvelle génération tend à être plus protégée que celle des jeunes Chinois ou des jeunes Indiens et moins motivée à se lancer dans la compétition. D’autant plus que les jeunes européens sont confrontés à des économies dont la croissance est beaucoup plus lente, et dans lesquelles les perspectives de rebond et de croissance tant économiques que sociales sont, en comparaison, très modestes. Ce sont ces aspects auxquels l’Europe devrait réfléchir.

Rendre l'Europe plus favorable aux jeunes

La présence, l’énergie, et les possibilités de croissance des nouvelles générations, voilà ce qui fait vraiment la différence quant à l’avenir et à l’influence globale d’un pays. Les jeunes contribuent de façon déterminante non seulement aux innovations technologiques mais aussi à un plus grand dynamisme culturel et les grandes tendances globales. D’ailleurs, les nouvelles frontières de l’art, de la science et aussi de la culture de masse viennent plus fréquemment de jeunes artistes rebelles, de jeunes diplômés et plus en général de nouvelles générations désireuses de s’affirmer, que de quincagénaires et sexagénaires forts de longue expérience.

La question démographique en Europe est certes un problème qui doit être examiné sans plus tarder. Mais avant de se demander comment augmenter le nombre de citoyens européens, dans l’espoir un peu naïf qu’en augmentant le poids démographique on puisse maintenir le poids politique global, l’Europe devrait se concentrer sur l’aménagement d’un contexte économique et social plus fluide, dynamique et attractif pour les jeunes du monde entier, avec moins de bureaucratie, moins de patrimoine et surtout davantage d’incitations aux activités productives, à l’innovation et à la création d’entreprises. Bref, essayer de faire du Vieux Continent un pays pour les jeunes, générateur d’une influence sociale et culturelle qui est la condition nécessaire pour une véritable influence globale.

En chiffres

De fortes disparités entre les pays

D’après les chiffres publiés fin juillet par Eurostat, Le Monde dresse un bilan contrasté de la situation dans l’UE. Sa population globale vient de franchir un nouveau cap, avec 501 millions d’habitants en 2010, soit 1,4 million de plus que l’an passé. Mais certains pays (Lituanie, Lettonie, Bulgarie) ont perdu environ 6‰ de leurs résidents, tandis que d’autres (Luxembourg, Suède, Slovénie) en ont gagné plus de 7 ‰. Les disparités sont principalement le fruit de la natalité, forte dans le nord et l’ouest de l’Europe (Irlande, Royaume-Uni, France), et très faible dans le sud et l’est (Allemagne, Bulgarie, Hongrie). Le taux de fécondité moyen de l’UE est d'à peine 1,6 enfant par femme en 2008.

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