"Ils pensaient qu'ils pourraient s'asseoir à l'intérieur."

Qu’est devenue la solidarité régionale ?

Il y a exactement 10 ans, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque recevaient le feu vert pour leur adhésion à l'UE. Malgré des liens économiques forts et un destin commun, les développements politiques différents de ces pays les empêchent d'avoir un vrai poids au sein de l'Union.

Publié le 13 décembre 2012 à 12:16
"Ils pensaient qu'ils pourraient s'asseoir à l'intérieur."

Le dixième anniversaire de la conclusion des négociations d'adhésion de la Pologne à l'UE approche à grand pas. Lors du Conseil européen du 13 décembre 2002, la Pologne et les neuf autres pays d'Europe centrale et du Sud ont reçu le feu vert pour adhérer à l'Union. C'était la dernière fois que la région a fait front commun, bataillant main dans la main pour que les conditions d'adhésion soient les meilleures possibles. Depuis lors, nos chemins ont divergé, chacun de nos pays cherchant par ses propres moyens à se faire une place à Bruxelles et à renforcer ses relations avec les principaux acteurs dans l'Union.

D'un point de vue politique et économique, nous avions tous choisi nos propres trajectoires bien avant. Chapeau à celui qui trouve une quelconque ressemblance aux scènes politiques de nos pays. A part, peut-être, une solide dose de populisme. Nos points de vue sur l'intégration européenne sont bien divergents. La Slovaquie est dans la zone euro. La République tchèque y est sceptique, la Hongrie combative et la Pologne plutôt favorable, mais avec la conviction que toute adhésion reste exclue tant que la crise persiste.

D’un autre côté, nous sommes fondamentalement dépendants de l'UE. C'est notre principal point d'orientation géopolitique et l'élément essentiel de soutien à la modernisation de nos pays. Les fonds européens sont présents dans 99 % des investissements publics en Hongrie et dans 50% en Pologne. Partout, l'Union crée un microclimat favorable à la croissance.

Mouvements tectoniques

Dans la politique polonaise, l'échelon régional était généralement considéré comme une alternative, et non comme une fin en soi. Soit on l'ignorait au profit des partenariats plus importants, tel le Triangle de Weimar, soit on s'en servait pour contrebalancer une dépendance excessive envers l'Allemagne (notamment sous la gouvernance des frères Kaczyński). Aujourd'hui, l'Europe centrale paraît un moyen d'éviter la périphérisation au sein de l'UE.

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Les mouvements tectoniques qui secouent l'UE menacent ce dont nous avons toujours été très fiers, à savoir notre place au cœur de l'Europe. Le seul remède à cela est de souder notre relation avec les pays de la région, quitte à fermer les yeux sur les dérives politiques de certains autres, pour empêcher ainsi la fuite en avant du peloton européen. Gare cependant aux effets secondaires de cette stratégie. La Hongrie et la Roumanie sont en train de tester une nouvelle culture politique, en traçant une ligne rouge de ce qui est acceptable dans une démocratie. Si l’on fait comme si de rien n'était, le mal peut nous atteindre.

Vide à combler

Finalement ce qui nous unit le plus, c'est probablement les fragments d'un passé commun et, plutôt qu'un sentiment d'identité commune, celui d'un destin et d'intérêts communs dans l'UE. Cette communauté d'intérêts a été la plus forte lors des négociations d'adhésion et au cours des précédentes négociations budgétaires. Elle s'est ensuite érodée, victime de différences et du sentiment qu’individuellement, on obtient davantage (pour la Pologne par exemple en traitant avec l'Allemagne). La confiance réciproque a elle aussi considérablement diminué. Ainsi, la Pologne n'a pas réussi à convaincre ses partenaires régionaux d'un veto commun sur la politique climatique européenne.

L'heure de combler le vide a peut-être sonné. La Pologne préside actuellement le Groupe de Visegrad et supervise la rédaction d’un solide document de programmation de 53 pages. Deux thèmes sont évidents : le développement d’interconnexions dans les transports et l'énergie, et l'articulation des intérêts communs au sein de l'UE, à commencer par le marché unique européen et jusqu'aux questions de sécurité.

Il existe bel et bien une histoire du succès européen en Europe centrale. Les pays du Groupe de Visegradreprésentent un PIB d‘un milliard d’euros, soit quatre fois plus qu'au milieu des années 90. Vue ainsi, l'Europe centrale est bien plus qu'un état d'esprit. Cependant, il reste du chemin pour qu'elle devienne une entité politique dotée d’une force de frappe convenable.

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