Le coq, symbole de la Wallonie

La Wallonie sur la voie de la renaissance

Longtemps, le Sud du pays était considéré comme la moitié pauvre de la Belgique, dépendante de l’aide de la riche Flandre. Aujourd’hui, l’économie de la région se redresse et les Wallons veulent reprendre leur destin en main et réagir aux pressions des séparatistes flamands.

Publié le 17 janvier 2013 à 12:20
Le coq, symbole de la Wallonie

Dans le Château Mélot, situé sur une colline au-dessus de Namur, la capitale de la Wallonie, les visiteurs sont dorlotés. Leurs voitures sont lavées gratuitement, on leur offre le champagne le jour de leur anniversaire, et leurs enfants peuvent chaque année rendre visite à Saint Nicolas, qui est déposé en hélicoptère.

Cela doit coûter cher, car le château Mélot est le point d’attache du Cercle de Wallonie, un club d’affaires pour les entrepreneurs wallons. Il y règne une atmosphère de club pour vieux messieurs avec des lustres en cristal au plafond et un tapis rouge sur l’escalier. Et bien évidemment un coffret à cigares à côté du bar.

"Vous voyez que la Wallonie n’est pas seulement constituée de décombres industriels, où toute la population et au chômage" commente André Van Hecke, directeur général du Cercle de Wallonie. "C’est l’image que l’on a encore en Flandre, mais elle est dépassée. C’était peut-être exact autrefois, mais maintenant toutes sortes de choses commencent à bouger en Wallonie."

Les Wallons ne veulent plus être perdants

Le corpulent Van Hecke, qui a fait sa fortune dans le secteur de la communication, a créé le Cercle de Wallonie en 2006. Au début, il avait eu du mal convaincre les entrepreneurs wallons pragmatiques, dont la majorité venaient des PME.
Mais Van Hecke a su les attirer avec des ateliers sérieux, des conférences de banquiers et entrepreneurs ayant réussi, et quand même un peu de vin et de cigares en fin de compte. Entre-temps, le Cercle de Wallonie compte presque 1 500 membres.

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Quelque chose commence à changer en Wallonie”, dit Van Hecke. "Nous commençons à croire en nous-mêmes. Mais même les nouveaux socialistes ont conscience que nous devons changer, que l’avenir ne réside pas dans l’état providence, mais dans le travail et l’entreprenariat."

En Belgique, le regard est souvent tourné vers la Flandre, le Nord riche qui exige de plus en plus d’autonomie sous l’influence du chef du parti nationaliste flamand [Bart De Wever]. Pendant longtemps la Wallonie, plus pauvre, semblait seulement vouloir limiter les dégâts, mais les choses sont en train de changer.

Les Wallons en ont assez de leur position de perdant, et veulent voler de leurs propres ailes. Ce n’est pas qu’ils veulent à présent se séparer de la Flandre, au contraire. Mais ils veulent en tout cas être prêts pour le jour où la Flandre fixera ses exigences.

“Etre prêts pour les élections de 2014”

"Il existe une conscience croissante que la Wallonie doit prendre son destin en main", dit Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du journal Le Soir. "Il n’y a pas de sondages à ce sujet, mais on le sent dans la société, on l’entend aux déclarations des politiciens. De nombreux francophones ont été offensés par l’attitude flamande au cours de la crise. Ils se sentent traités de fainéants et de profiteurs et ils en ont assez."
La nouvelle conscience wallonne s’exprime tout d’abord au niveau économique, où le “plan Marshall” [un plan d’investissements publics lancé en 2005 et destiné à relancer l’économie wallonne] doit faire oublier le passé industriel. Les pouvoirs publics wallons ont investi 366 millions d’euros dans de nouvelles entreprises de haute technologie, créant plus de 10 000 emplois. La grande percée est encore à venir, mais le fossé entre la Flandre et la Wallonie en matière de prospérité a déjà cessé d’augmenter depuis quelques années.

Mais la Wallonie prend également de l’assurance sur le plan culturel. Mons sera en 2014 capitale européenne de la culture et Liège a posé sa candidature pour l’Exposition universelle de 2017. A Namur et à Charleroi, les nouveaux maires veulent donner un nouvel élan à leur ville.

Sur le plan politique, le gouvernement wallon a lancé à son tour le Plan Horizon 2022, qui doit déterminer comment la Belgique francophone doit être administrée dans dix ans. Suite à la nouvelle réforme de l’État, la Wallonie recevra dans dix ans moins de soutien financier de la part de la Flandre. Il faudra réformer l’économie wallonne, l’enseignement, la mobilité et l’aménagement du territoire pour faire face à cette nouvelle situation.
"Différents politiciens ont déjà laissé entendre qu’il fallait que cela aille plus vite" commente Béatrice Delvaux. "Ils veulent être prêts pour les élections de 2014, au cas où ils se trouveraient confrontés à Bart De Wever."

La Wallonie en tête dans dix ans ?

Selon Delvaux, il y a déjà eu plusieurs réunions à haut niveau pour déterminer comment les politiciens francophones peuvent adopter une position commune vis-à-vis de la Flandre. Ces réunions sont entourées d’un certain mystère, car d’après certains critiques, elles apportent de l’eau au moulin de Bart De Wever : si les Wallons tracent leur propre chemin, plus rien ne l’empêche de séparer la Belgique en deux.

"Allons, c’est un faux danger" dit Jean-Pascal Labille, le secrétaire général des Mutualités socialistes. "Cela sert de prétexte à ceux qui ne veulent pas aller de l’avant. Bart De Wever ne changera pas d’avis, que nous lui donnions raison ou non. Mais si nous ne disons rien, nous ne faisons rien non plus."

Labille veut que les personnalités wallonnes de premier plan réfléchissent ensemble à ce que serait la structure d’État belge idéale, pour offrir un contrepoids à la vision flamande.

Si cela réussit, Labille est très optimiste sur l’avenir de la Wallonie. "Nous avons beaucoup d’espace, une abondante main-d’œuvre qualifiée et une situation géographie extrêmement favorable. Si nous poursuivons dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés, la Wallonie peut se trouver dans dix ans en position de tête."
Vue sous cet angle, la crise politique et l’obstination de Bart De Wever peuvent encore aboutir à un résultat positif pour la Wallonie. Les nationalistes flamands ont peut-être offensé les Wallons, mais ils les ont également réveillés.

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