Un atelier de confection à Prato, Italie.

Le made in China taxes non comprises

Plaque tournante du trafic de textile en provenance d’Asie, la République tchèque cherche les moyens de lutter contre cette activité. Une coopération fiscale entre Européens est à cette fin indispensable.

Publié le 12 octobre 2010 à 10:42
© Nadia Shira Cohen for The New York Times  | Un atelier de confection à Prato, Italie.

Chaque jour, près de 50 conteneurs chargés de 800 tonnes de textiles et de chaussures importées illégalement de Chine et du Vietnam affluent vers la République tchèque. Une partie de la marchandise reste dans le pays, une autre poursuit sa route ailleurs en Europe.

Ces derniers mois, le phénomène des fraudes sur le textile asiatique importé a pris une ampleur considérable. Ainsi, Jiří Barták, porte-parole de l’administration douanière tchèque, affirme : "Tout porte à croire que les trafiquants asiatiques utilisent la République tchèque comme une immense plaque tournante à travers laquelle leurs produits peuvent pénétrer dans l’espace de libre circulation des marchandises de l’Union européenne".

Le plus grand gang démantelé

L’administration éprouve toujours le plus grand mal à identifier les "cerveaux" de ce commerce illégal. Les marchandises importées sont destinées à des sociétés créées spécifiquement pour les réceptionner. Il est souvent très difficile de savoir qui se tient derrière elles. Elles achètent des millions de tonnes de vêtements pendant les premiers mois de leur existence puis disparaissent dans la nature lorsqu’elles doivent déclarer et payer la TVA. Le propriétaire de l’entreprise est un prête-nom, un homme de paille, ou un étranger qui se trouve depuis bien longtemps hors de la République tchèque lorsque l’escroquerie est découverte.

En mai dernier, les douaniers ont réussi à démanteler le plus grand gang ayant jamais organisé un trafic d’importations illégales de marchandises sur le sol tchèque. Dans le cadre de cette affaire, le préjudice pour le pays est évalué à au moins 65 millions de couronnes [2,65 millions d’euros]. Mais ce réseau organisé par des Chinois ne représente que 10 à 15% de l’ensemble du commerce illégal dans le pays.

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"Il faisait partie de l’une des premières organisations criminelles chinoises à opérer en Europe. Disposant de moyens financiers illimités, ses membres vivaient sur notre territoire dans le luxe", explique Aleš Hrubý, enquêteur auprès de l’administration douanière. Le siège du réseau se trouvait à Prague et l’organisation opérait en partie en Ústecko [dans le nord du pays, près de la frontière allemande]. Les douaniers ont même mis au jour le lieu où une Chinoise établissait des fausses factures qui permettaient aux négociants de payer moins de droits de douane. Le montant des factures émises ne dépassait pas 15 000 dollars [10 800 euros] alors que la véritable valeur des conteneurs importés variait de 80 000 à 200 000 dollars [57 600 à 144 000 euros].

Besoin de réformer la TVA au niveau européen

L’administration douanière, le ministère des Finances et même l’Union européenne sont aujourd’hui très préoccupés par l’essor du commerce illégal. Au niveau européen, la question de l’introduction du nouveau système de TVA fait l’objet d’intenses discussions. Les Autrichiens et les Allemands ont proposé que s’applique pour toutes les marchandises un système d’autoliquidation généralisé. Autrement dit, c’est à l’acquéreur final qu’il incomberait de s’acquitter de la TVA.

Aujourd’hui, les Etats ne peuvent introduire ce système que pour certaines marchandises. "Il faudrait pouvoir obtenir un droit d’exemption négocié au sein de l’Union européenne pour les Etats membres concernés, estime Jan Knížek, directeur de l’administration douanière tchèque. Les fraudeurs seraient alors obligés de déplacer leurs activités vers un autre pays. Voilà pourquoi, avec la menace grandissante représentée par ces fraudes, l’UE devrait réfléchir à un changement global de tout le système actuel de la TVA."

Il est également question de soumettre les sociétés de transport à l’obligation de déclarer dans un système d’information commun les marchandises importées. Cela permettrait aux douaniers de disposer d’un contrôle facilité sur l’afflux de marchandises.

La Hongrie, qui était il y a encore trois ans le lieu de transit de ces importations, a réglé le problème lorsque ses douaniers ont commencé à percevoir la TVA lors du dédouanement des marchandises. Les administrations tchèques envisagent d’introduire des mesures similaires. "Mais le problème, fait observer Knížek, c’est que cela compliquerait aussi la vie des personnes honnêtes, qui constituent la majorité des hommes d’affaires".

Italie

Prato, capitale du made in Italy chinois

Autrefois célèbre pour son chic "made in Italy", la ville de Prato en Toscane abrite désormais la plus grande concentration d'immigrés chinois en Europe, rapporte The New York Times. Sur une population totale de 187 000 personnes, quelque 36 000 immigrés, avec ou sans papiers, "travaillent 12 heures par jour dans quelque 3200 ateliers de fabrication d'habits, de chaussures et d'accessoires bas de gamme". Depuis 2001, selon la chambre de commerce locale, le nombre d'Italiens propriétaires d'entreprises de textile a chuté de moitié. "Mais ce qui semble exaspérer le plus certains italiens est que les Chinois les battent à leur propre jeu", note le quotidien, "usant de l'évasion de la TVA et sachant détourner de façon brillante la fameuse complexité de la bureaucratie italienne". Tandis que les entreprises locales souffrent, les entreprises chinoises rapatrient environ 1 million d'euro chaque jour et font du tort au "made in Italy'" "La tension est forte depuis le printemps dernier, lorsque la police italienne a fait des descentes dans des ateliers qui employaient de la main d'oeuvre sans papier", écrit le New York Times, "et elle ne cesse de croître depuis que des procureurs italiens ont fait arrêter 24 personnes et examinent les dossiers de 100 entreprises de la région de Prato depuis fin juin. Les autorités les soupçonnent de blanchiment d'argent, prostitution, contrefaçon et d'estampiller des produits fabriqués à l'étranger du certificat 'made in Italy'".

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