Une citoyenneté de papier

Les traités européens garantissent les droits des citoyens-consommateurs. Mais dans la pratique, les manquements à ces principes sont légion, en particulier vis-à-vis des ressortissants d’un autre Etat membre.

Publié le 8 avril 2013 à 10:23

Depuis quelque temps, presque toutes les chaînes de télévision roumaines diffusent des spots sur le thème "Je suis citoyen européen et j'ai des droits".
Le citoyen y est mis en scène dans des situations concrètes du quotidien : il a acheté un ordinateur portable qui ne fonctionne pas, il veut rendre un produit acheté en ligne ou sa chambre d'hôtel n'est pas climatisée.
Devant le refus des "prestataires de services", il assène d’un ton résolu et assuré : "Savez-vous qui je suis ? Je suis citoyen européen et j'ai des droits". Certes, la campagne est utile. Le citoyen roumain-européen apprend que l'UE lui a apporté quelques droits : il peut rendre un produit qui ne lui convient pas ou réclamer des dédommagements.

Mais cette campagne est bâtie selon le style quelque peu ennuyeux et insistant de la Commission européenne et de ses fonctionnaires : depuis des années, il tombe sur l'Europe sous la forme de brochures et autres spots publicitaires destinés au "citoyen européen".
Or le citoyen européen, bien qu'il puisse ainsi connaître ses droits si son ordinateur portable tombe en panne ou s’il tombe lui-même sur de la viande de cheval dans un paquet de lasagnes, semble bien abattu ces derniers temps. Car certains de ses droits, dont certains comptent parmi les "piliers de la construction européenne" (comme celui de travailler et de s'installer n'importe où dans l'UE), ne lui sont pas accordés. L'époque où l'on parlait d'une "Europe des citoyens" s'est envolée, mais toute cette rhétorique délibérément confiante et fleurant bon le slogan est restée au stade du "matériel informatif" élaboré par la Commission.

Solidarité imposée et obsession triste

La crise économique n'est pas la seule coupable, même si l'austérité court toujours sur notre continent vieillissant. Par exemple, par décision européenne, des citoyens européens chypriotes ont vu leurs comptes pillés. Mais cela est motivé par le sauvetage de l'euro, qui est notre monnaie à nous tous, donc il faut se montrer solidaire ! Cette solidarité dans le désordre et décidée en haut ne peut cependant pas fonctionner tant que, un peu partout dans l'Union, fleurissent les isolationnismes et que le motif biblique du "bouc émissaire" revient à la mode.

L'idée que les institutions européennes n'ont pas de légitimité démocratique et que par conséquent les citoyens ne sont pas représentés a été récupérée dans bon nombre de pays par les partis populistes : la faute des "autres" est un artifice simple et qui rapporte des voix. Les Britanniques, dont l'euroscepticisme a toujours été source d'un amusement garanti, sont retombés depuis un certain temps dans l'obsession triste de l'invasion roumano-bulgare.

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Les faits parlent d'eux-mêmes : les politiques anti-immigration, telles qu'elles furent conçues et appliquées par les Etats-nations européens, ont connu un échec retentissant. L'Europe est parcourue de millions d'immigrants venus de partout et sous toutes les formes (illégalement surtout).

Une belle idée sur le papier

Oui, des citoyens européens ont quitté la Roumanie par pauvreté. Oui, certains d'entre eux se conduisent "en immigrants". Oui, certains travaillent au noir (mais ceci serait plutôt le problème des Etats qui n'arrivent pas à éradiquer le travail souterrain plutôt que celui de la mise en pratique du "pilier" de l'UE traitant de la libre circulation des citoyens.) Quelques 2 millions de Roumains n'ont fait que prendre ce principe au pied de la lettre. Car ce principe n'a quand même pas été mis en place dans les traités juste à l'usage des ceux qui prennent leur retraite dans les Canaries et dans le Sud du Portugal ! ...

Peut-être que la Roumanie n'apporte pas une contribution bien importante à l'UE mais il faut lui accorder le crédit de cette idée, belle et noble sur le papier. Celle du droit des citoyens européens de s'installer n'importe où dans l'UE. Malheureusement, notre Vieux Continent, qui aura bientôt vraiment besoin d'immigrants, laisse aux Etats-nations la charge des règlementations concernant les "étrangers". Ouvrant la voie à de nouveaux échecs, qui ne peuvent en aucun cas être compensés par le droit à recevoir des dédommagements pour des vacances sans air conditionné...

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