Le fleuve Dniestr près de Tiraspol (Transnistrie).

Regain de tension sur le Dniestr

Alors que la Moldavie s’apprête à installer des points de contrôle à la frontière avec sa province sécessionniste, la Russie et l’Ukraine veulent accélerer les négociations pour régler un conflit vieux de vingt ans. Une situation qui pourrait entraîner l’UE dans un bras de fer diplomatique.

Publié le 16 avril 2013 à 11:46
Eugene Romanenko  | Le fleuve Dniestr près de Tiraspol (Transnistrie).

En installant, à partir du 1er mai, de nouveaux postes de contrôle le long de sa frontière avec la région sécessionniste de Transnistrie, Chisinau fait de nouveaux appels du pied à l’UE. Mais ne contribue pas à apaiser les tensions sur le Dniestr.

Un nouveau round de négociations sur la Transnistrie (sous le format 5+2 : Russie, Ukraine, OSCE, UE, Etats-Unis, Moldavie, Transnistrie) aura lieu en mai, à Odessa. L’Ukraine, qui préside actuellement l’OSCE, place dans cette rencontre des espoirs importants. Léonid Kojara, actuel président de l’OSCE et ministre des Affaires étrangères d’Ukraine, a déjà déclaré que Kiev avait bien l’intention non seulement d’accélérer les pourparlers, mais de les mener à leurs termes d’ici à la fin de l’année.

Le conflit ne fait que s’aggraver. La Moldavie est en train de consolider sa frontière le long du Dniestr, frontière qui selon Chisinau a vocation à assurer la sécurité des marches orientales de l’Union europénne. La population des rives droite et gauche en ont tiré une première conclusion : la Moldavie est en train de céder la Transnistrie à la Russie ou à l’Ukraine (selon la teneur des accords), et se tourne vers l’UE et la Roumanie.

Provocation moldave

A partir du 1er mai, six nouveaux postes de contrôle douanier et migratoire seront installés le long de la frontière entre la Moldavie et la Transnistrie. Les passeports des citoyens en provenance de la république autoproclamée qui n’ont pas la nationalité moldave seront scannés et enregistrés. La ministre des Affaires étrangères de Transnistrie, Nina Chtanski, a déclaré que cela se pratiquait déjà et s’accompagnait de “limitations supplémentaires à la liberté de circulation des citoyens”. Elle a rappelé que plus de 180 000 citoyens russes et près de 100 000 citoyens ukrainiens vivent sur le territoire sécessionniste, et que “du point de vue de la Moldavie, on pouvait tous les classer comme étrangers”.

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A Tiraspol, on estime que cette décision de Chisinau revêt un caractère de provocation. En effet, “c’est à cette époque de l’année que s’intensifient les flux de personnes entre les deux rives, en relation avec les congés de printemps et les fêtes nationales [1er et 9 mai]”.

Cette décision qui s’explique par le désir de la Moldavie d’obtenir la libéralisation du régime des visas avec l’UE. Pour ce faire, comme l’avait indiqué le représentant de l’Union européenne à Chisinau, Dirk Choubel, il est indispensable d’assurer la sécurité non seulement de la frontière occidentale de la Moldavie, mais aussi de sa frontière orientale. A Tiraspol, on met en garde contre le risque que “les mesures unilatérales prises par Chisinau ne débouchent sur une nouvelle spirale de tension sur le Dniestr.”

Une croix sur le projet européen

La Transnistrie est prête à adopter les mesures adéquates. On pourra alors faire une croix sur le projet européen de réconcilier les parties en conflit. Il semble en effet évident que la maison commune ne tient pas. Pire, à Chisinau comme à Tiraspol, on parle ces derniers temps de la possibilité qu’un nouveau conflit local éclate au sein de la zone de sécurité sur le Dniestr. Or, dans cette zone sont cantonnés des soldats de maintien de la paix russes. Et ils deviennent les otages d’une situation, que les politiques ne peuvent ou ne veulent normaliser.

Les forces de maintien de la paix en Transnistrie sont régies par l'Accord moldavo-russe de 1992, largement dépassé aujourd'hui, au dire même des soldats. Mais la question de leur remise à jour n'est évoquée ni à Chisinau, ni à Moscou. Dans un tel contexte, Moscou, Kiev et Bruxelles doivent faire mieux que proposer un semblant d'avancée dans les négociations, car cela ne saurait suffire à contenir les parties.

Contrepoint

Une simple mise aux normes européennes

A Chişinău, le gouvernement moldave (intérimaire depuis la chute du Premier ministre Vlad Filat le 5 mars) rejette les spéculations sur un éventuel renoncement à la Transnistrie et rappelle que les frontières de la Moldavie sont internationalement reconnues.

"Il ne se passe rien de spectaculaire", assure le vice-premier ministre Eugen Carpov, cité par le site de la radio publique roumaine Radio România Actualităţi :

Il s’agit du dialogue que la République de Moldavie mène avec l’Union européenne pour libéraliser le régime des visas. Dans ce but, nous devons nous conformer aux normes, dont l’une est le contrôle des flux migratoires des citoyens étrangers qui visitent la Moldavie.

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