Non, l’euro n’est pas en crise

Ne croyez pas cette “mythologie moderne” qui voudrait que la monnaie unique soit au bord de l’effondrement. Le vrai problème, c’est que les perdants, les pays les moins compétitifs, sont de plus en plus nombreux.

Publié le 3 mai 2013 à 10:57

Cela fait déjà plusieurs années que dure la soi-disant crise de l’euro. Elle est devenue un phénomène durable, à tel point que la “crise de l’euro” s’est installée comme une rubrique pérenne dans certains médias occidentaux. Au même titre que la politique intérieure, l’économie, la météo ou le sport.

La crise s’est inscrite dans la conscience collective comme un phénomène durable. On peut voir les choses d’un point de vue positif : regardez, citoyens, une crise de l’Histoire sans précédent et l’euro tient bon. Nos grands hommes politiques savent mener des actions efficaces. Ils sont nos sauveurs ! Nous devrions répondre à leurs demandes pressantes et leur laisser davantage de pouvoir. Plus d’Europe, c’est-à-dire plus de Bruxelles, de Commission européenne, de Parlement européen, etc. Seule une Europe unie peut relever le défi de la crise de l’euro ! Nous devons achever l’intégration !

Tout cela n’est qu’une mythologie moderne. Un conte moderne visant à justifier idéologiquement l’incroyable expansion de la puissance publique au niveau des autorités bruxelloises non élues et des gouvernements des Etats nations. Un conte qui sert à légitimer le processus continuel de centralisation du pouvoir. Mais, objecteront certains, la crise n’a rien d’une légende. Pourrait-elle l’être ?

Oui, elle l’est. Dans sa forme cristallisée, la crise de l’euro est une pure fiction. Tout d’abord, une monnaie ne peut être en crise. Elle peut connaitre une inflation élevée, mais ce n’est pas le cas de l’euro et ne l’a jamais été. Elle peut connaître des fluctuations du taux de change sur les marchés internationaux. Mais il ne s’agit nullement d’une crise. C’est un phénomène tout à fait normal.

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Impossible d’être exclu contre son gré

Au regard de l’inflation, il n’y a aucune crise. Même chose si l’on considère l’évolution du cours de l’euro. L’euro reste fort ces dernières années, étonnamment fort pour le profane. Mais il n’y a aucun mystère là-dedans : la très importante balance commerciale de l’Allemagne maintient un euro fort. Peut-on parler ici d’une crise ? Absurde.

Aucune menace d’effondrement ne pèse sur la zone euro. Il n’y en a jamais eu, pas à un seul instant. Il nous faut comprendre comment fonctionne le mécanisme de la zone euro. Nul ne peut en être exclu. Aucun Etat membre ne peut en être chassé contre son gré. Même dans l’hypothèse d’une falsification des données statistiques ou d’un défaut de paiement, et même si ses citoyens décidaient d’affubler Angela Merkel de la moustache d’Hitler. (Mais attendez, c’est justement ce qui s’est passé en Grèce… Et le pays n’a pas été exclu).

Tout Etat membre est libre de sortir de la zone euro. Mais jusqu’à présent, aucun ne l’a souhaité. Car une sortie de la zone euro supposerait logiquement une sortie de l’UE. Et cela signifierait quitter la zone de libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, donc perdre quelques rares avantages bien réels et indubitables offerts par l’adhésion à l’UE. Voilà pourquoi même la Grèce n’a pas souhaité quitter la zone euro. Tout comme Chypre.

Personne ne peut être exclu de la zone euro et personne ne veut la quitter. Fin de l’histoire. Aucun risque d’effondrement n’est à craindre. Les eurosceptiques se réjouissent en vain et les euro-optimistes s’effrayent inutilement. L’euro sera encore là pendant longtemps. On ne peut dire combien de temps, mais les unions monétaires du XIXe siècle ont fonctionné pendant des décennies. Elles n’ont généralement disparu qu’avec la guerre.

La liste des gagnants s’épuise

L’euro n’est pas en crise. En revanche, beaucoup de ses utilisateurs le sont. Les économies d’Europe latine en particulier auraient urgemment besoin d’une monnaie plus faible pour accroître la compétitivité de leurs produits et devenir des destinations touristiques plus abordables.

Les Etats membres ne peuvent, par principe, dévaluer. Contrairement aux unions monétaires du passé, l’euro interdit cette possibilité. Les artisans de l’idée d’une monnaie commune européenne l’ont voulu ainsi. Leur groupe était dominé par des responsables politiques qui ne considéraient pas la dévaluation de la monnaie comme un outil standard de la politique économique, mais pratiquement comme une concurrence déloyale – en somme, un sale coup fait aux voisins à la monnaie forte.

Dans la vision des pères de l’euro, la concurrence entre Etats membres devait s’exercer par le travail, la productivité, la qualité et l’innovation. Belle idée. Seulement voilà, on n’avait pas réfléchi à ce que l’on ferait des perdants.

Et aujourd’hui, la majorité des pays de la zone euro est en train de perdre la partie. L’Allemagne, habituée à avoir une monnaie forte et dont les banques n’ont pas créé de bulle de crédit, sort vainqueur. Le même constat vaut pour l’Autriche. Ainsi que pour le Luxembourg, le centre financier du continent. La situation de Malte, autre centre financier, est très correcte. De même que celle de la Slovaquie, qu’il peut toutefois être prématuré d’évaluer, le pays étant entré récemment dans la zone euro. La liste des gagnants est ici pratiquement épuisée. Même la Finlande ne se trouve déjà plus dans des conditions tout à fait optimales.

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