Au marché russe de Riga (Lettonie).

Les minorités priées de tenir leur langue

Dans les trois anciennes républiques soviétiques membres de l’UE, les minorités russes et polonaises qui sont une part importante de la population ne disposent que de peu de droits linguistiques. Un journaliste néerlandais s’en offusque.

Publié le 6 janvier 2011 à 11:40
Emiel Elgersma  | Au marché russe de Riga (Lettonie).

Le mois dernier, j’ai fait une curieuse expérience dans le restaurant du centre culturel de Šalčininkai, une ville à l’extrême sud-est de la Lituanie. La population étant aux trois quarts polonaise, j’ai cru qu’on allait s’adresser à moi en polonais pour me servir, mais non. Les menus étaient exclusivement en lituanien, une langue que ne comprennent que les Lituaniens. La serveuse n’est allée chercher un menu en polonais derrière le comptoir que lorsqu’elle m’a entendu parler cette langue.

J’ai d’abord cru à une coïncidence. Mais une semaine plus tard, en Lettonie, en engageant la conversation avec une personne appartenant à la minorité ethnique russe, j’ai appris qu’à la mairie de Riga, les informations sont communiquées dans les principales langues de l’Union européenne, mais pas en russe, la langue que parle la moitié des habitants. Pour les Russes, une pile distincte de prospectus est stockée derrière le comptoir.

La Lituanie a le droit de lituaniser le nom de ses habitants polonais

Quand vous cherchez à savoir pourquoi, on vous explique que le russe n’est pas une langue officielle de la Lettonie, et pas non plus de l’UE. Voilà qui ne modifie en rien la manière déplorable dont les Etats baltes traitent leurs minorités ethniques. C’est en Lettonie et en Estonie qu’elles sont le plus à plaindre. Seules les personnes qui passent un examen de langue peuvent devenir ressortissantes de ces pays. Près de 20 ans après le démantèlement de l’Union soviétique, environ la moitié des membres de la minorité ethnique russe sont encore apatrides.

Ainsi, lors des dernières élections municipales à Riga, les émigrés de toute l’Union européenne ont pu voter, mais pas les Russes qui sont nés et ont grandi dans le pays.

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Ce genre de situation pouvait se comprendre il y a quelques années, surtout en Lettonie, où la minorité ethnique russe représente au moins un quart de la population. Elle y est encore considérée comme une sorte de cinquième colonne. Mais 7 ans après l’entrée de la Lettonie dans l’UE et dans l’OTAN, il est peut-être temps de modifier la législation.

La probabilité d’une amélioration rapide de la situation est faible, cependant. Il ne faut guère compter sur une aide de l’étranger. L’organisation qui n’a de cesse d’évoquer les valeurs démocratiques, l’Union européenne, fait comme si de rien n’était dès qu’il est question des droits des minorités dans les Etats baltes. Le mois dernier encore, un porte-parole de la Cour européenne de Justice a estimé que la Lituanie a le droit de lituaniser le nom de ses habitants polonais. Pour mieux se faire une idée de la situation, il faut savoir qu’en Lituanie, même dans les municipalités majoritairement polonaises, les écriteaux en polonais sont interdits.

Pourquoi Bruxelles n'est jamais prise au sérieux

En Lettonie aussi, l’Union européenne refuse de donner l’exemple. Le centre d’information du Parlement européen a demandé récemment à ce même Russe, ressortissant letton au demeurant, qui me confiait ses inquiétudes face à la politique linguistique du conseil municipal de Riga, d’animer une soirée-débat sur l’histoire de la Lettonie. Au dernier moment, on lui a soudain demandé de ne pas se donner cette peine. "Pas parce que vous êtes russe, mais parce que vous n’êtes pas letton", lui a-t-on expliqué. On a trouvé un "vrai" letton pour le remplacer.

En Hongrie, ces dernières semaines, Bruxelles s’est encore illustrée pour son grand laxisme en matière de protection des droits élémentaires. Le jour où le parlement à Budapest approuvait une loi controversée sur les médias, la Commission européenne a accédé à la demande du gouvernement populiste de prolonger de trois ans l’interdiction de vendre des terres agricoles aux étrangers. Et on s’étonne à Bruxelles de ne jamais être pris au sérieux.

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