Actualité COP21 à Paris

Il est temps que l’Europe agisse concrètement sur le changement climatique

En matière de réduction des émissions de CO2, les Européens feraient bien de s’inspirer du président américain Barack Obama, et de se concentrer sur les politiques et leur mise en place plutôt que de fixer des objectifs ambitieux et parfois inatteignables, estime le fondateur de Climate Answers.

Publié le 30 novembre 2015 à 07:27

Au mois de décembre, les dirigeants du monde entier vont se réunir à Paris pour le sommet annuel de l’ONU sur le climat (COP21), qui coïncide cette année avec la 11e session de la Conférence des Parties au Protocole de Kyoto. Le président américain Barack Obama sera présent, ainsi que son homologue chinois Xi Jinping. Le sommet sera présidé par le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius.

Et la principale contribution de l’Europe aux discussions semble se borner à cela. L’UE aime à rappeler qu’elle est le leader en matière de changement climatique, mais en réalité, elle ne joue qu’un rôle secondaire. Et ce n’est pas bon pour l’action internationale sur le climat, car l’Europe reste un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre. Ce n’est pas bon non plus pour le “projet européen”. La pollution ne s’arrête pas aux frontières nationales et les mesures en la matière sont beaucoup plus efficaces au niveau du continent qu’elles ne le sont dans les Etats-nations.

Il est vrai que l’Europe a été par le passé le leader dans les négociations internationales et dans la fixation des objectifs. L’UE a assumé les objectifs les plus ambitieux en matière de réduction des gaz à effet de serre dans le Protocole de Kyoto de 1997. Et l’Europe a été pionnière pour l’établissement d’un système communautaire d’échange d’émissions (ETS). Mais les résultats en matière de décarbonisation sont décevants et le prix de la tonne de carbone fixée par l’ETS est si bas qu’il ne représente guère plus qu’une feuille de vigne, verte ?

Les négociations de Paris vont probablement déboucher sur un accord. Les gouvernements vont annoncer un pas en avant significatif ; les ONG vont condamner un nouvel échec ; le monde des affaires va faire remarquer que l’accord n’est pas suffisamment clair en ce qui concerne les politiques à venir. Le sommet de Paris se déroule dans le cadre de la Convention-Cadre de l’ONU sur les changements climatiques (CCNUCC). Un forum de l’ONU n’est pas le meilleur cadre pour mettre en place une politique, et la CCNUCC a de toute manière adopté une approche par le bas dans laquelle les parties de la convention (y compris l’UE et ses Etats membres) disent ce qu’elles s’engagent à faire pour réduire les émissions. Cette approche a été choisie parce que cela permettra au président des Etats-Unis de ratifier l’accord sans devoir passer par le Congrès – car les chances que le Sénat ratifie un traité international sur le climat sont actuellement nulles.

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Le président Obama considère que l’action en faveur du climat est une partie importante de son héritage, et il met pour cela en place des politiques ambitieuses en matière de climat et d’énergie. Lors de son premier mandat, il a tenté d’introduire un système fédéral de bourse de droits d’émissions de CO2, mais sa proposition a été retoquée par le Congrès. C’est ainsi qu’il exploite le Clean Air Act de 1970 afin de règlementer les émissions des centrales électriques. Cette loi devait réglementer les émissions toxiques dans l’air.

Mais la Cour suprême des Etats-Unis a décidé que les gaz à effet de serre sont également des polluants, afin qu’ils puissent tomber sous la coupe du Clean Air Act. Obama a donc demandé à l’Agence états-unienne pour l’environnement de règlementer. Le Canada et le Royaume-UNi ont déjà des lois qui interdisent la construction de nouvelles centrales au charbon qui ne seraient pas dotées de systèmes de captage et d’enfouissement du carbone. Les lois américaines prévoient des mesures semblables, mais elles les étendent aux centrales au charbon existantes, dont la plupart devront ainsi fermer.

Concentré sur les politiques et sur leur mise en œuvre plutôt que sur la fixation d’objectifs, le président Obama est le dirigeant mondial dont l’approche sur l’action en faveur du climat est la plus efficace. Il est temps que l’UE suive les pas d’Obama. La Commission devrait proposer une réglementation afin de limiter la quantité de gaz à effet de serre que les centrales électriques peuvent émettre par unité d’électricité produite. Le Conseil et le Parlement devraient l’adopter.

Dans un monde idéal, un prix du charbon suffisamment élevé pour que les centrales utilisant ce combustible soient obligées de fermer (à moins de capter et d’enfouir le carbone) et pour que les investissements soient dirigés vers des sources faiblement émettrices de carbone constituerait l’approche la meilleure. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. [L’ex-président de la Commission européenne] Jacques Delors avait proposé une taxe carbone sur l’énergie dans les années 1980, mais la proposition avait été rejetée par les pays membres, emmenés par le Royaume-Uni, sous prétexte que cela relevait de la compétence nationale. A leur place, l’UE a introduit les ETS. Les tentatives pour renforcer cette approche et pour établir un prix élevé du carbone ont été stoppés, en partie pour les mêmes raisons : tout ce qui relève de la taxation est du ressort des gouvernements nationaux.

Le système d’échange des quotas de carbone est un marché, et donc techniquement pas une taxe. Mais les tentatives de rendre plus incisif le prix du carbone sont accusées par les politiques des pays eurosceptiques comme des tentatives d’introduire en cachette le fédéralisme fiscal. Lors des négociations autour de la directive sur le marché des émissions, adoptée en 2008, le Premier ministre britannique de l’époque, Gordon Brown, envoya une lettre à la Commission, pour l’avertir que ses propositions ressemblaient trop à une taxe. La Commission finit ainsi par l’édulcorer. Et les ETS sont demeurées une feuille de vigne? .

En matière de politique climatique, comme en politique en général, cela n’a pas beaucoup de sens de faire du résultat optimal, mais inatteignable, l’ennemi d’un résultat moyen, mais atteignable. Avoir une règlementation efficace a plus de sens que de rêver d’un prix du carbone suffisamment élevé. L’UE a obtenu une baisse significative des émissions polluantes des centrales électriques par le biais de la règlementation : la directive sur les Grandes installations de combustions, celle sur la Prévention et réduction intégrées de la pollution et celle sur les émissions industrielles. Cette dernière devrait être amendée de manière à inclure des standards de performance en matière d’émissions – une limite à la quantité de gaz à effet de serre émis par unité d’électricité générée. Cela engendrerait une baisse significative de la pollution.

Cela pourrait également engendrer la construction de grandes centrales au charbon ou au gaz naturel qui captent et enfouissent le carbone. En 2008, l’UE a promis qu’entre dix et douze de ces centrales seraient opérationnelles en 2015. Il n’y en a aucune. La leçon est claire. Le temps des promesses et des objectifs est révolu. Le temps des résultats est venu.

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