Jusqu'à présent, les échanges autour de la question du ”Brexit” se sont déroulés à l'abri des regards, derrière les portes closes du Conseil européen. Cette instance regroupe les chefs d'Etats et de gouvernements et voit s'y dérouler un curieux marchandage. Le Premier ministre David Cameron présente en effet à ses collègues quatre demandes.
Si celles-ci n'aboutissent pas lors des négociations dans un sens qu'il estimerait positif, il se verrait dans l'obligation de ne pas défendre le maintien du Royaume-Uni dans l'UE. On ne doute pas de la capacité de nos dirigeants nationaux à aboutir à un compromis à l'Européenne, probablement après une dernière nuit tragique à Bruxelles. Cependant, ce débat mérite mieux qu'un marchandage entre gens intelligents.
Il met en jeu ce que doit devenir l'Europe : une alliance économique ou un ensemble intégré. Les médias en tant que contre-pouvoir ont donc un rôle essentiel à jouer pour permettre aux citoyens européens de s'emparer de leur futur.
De plus, il y a une véritable dimension européenne à ce débat sur le "Brexit". Il ne peut et ne doit pas rester cantonné aux frontières britanniques. Même si nous vivons dans des espaces publics segmentés, l'enjeu européen est là. Les citoyens de sa Majesté Elisabeth II ne s'exprimeront de toute façon pas sur ce qu'aura obtenu David Cameron lors des négociations avec ses partenaires à Bruxelles. Ils s'exprimeront sur leur appartenance ou non à l'Union européenne dans sa globalité.
Or, si contre toute attente, le In l'emportait sur le Out, ce sera un coup de tonnerre retentissant dans cette Europe qu'on dit pourtant si mal aimée par ses citoyens. La véritable intégration politique bloquée depuis les élargissements de 2004 et les non français et hollandais en 2005 pourraient recommencer.
En cas de victoire du Out, il y a un risque de démantèlement de l'Europe. Ce serait le signal pour tous les égoïsmes nationaux qu'ils avaient raison de pointer leur museau depuis plusieurs années. Surtout, cela poserait bien des casse-têtes juridiques pour toutes ces populations aujourd'hui mélangées. Autant pour les travailleurs européens sur le sol britannique que pour les premiers migrants d'Europe, les retraités du Royaume-Uni, si nombreux à s'être installés sur le continent.
La transmission de l'information est essentielle pour bien comprendre comment les Britanniques vont se décider de voter. Or la seule loupe de la presse britannique ne sera pas suffisante, tant les titres anglais (notamment) sont clairement engagés en faveur de l'euroscepticisme. Le prisme serait déformé et n'éclairerait plus le débat.
Le traitement médiatique de ce référendum doit être ambitieux et aller au-delà des îles britanniques. Tout d'abord, en décryptant les enjeux nationaux de ce scrutin, car l'avenir de David Cameron à Downing Street se joue à cette occasion. Ensuite, en leur donnant les implications au niveau européen. Mais aussi et surtout sur les conséquences pour les autres citoyens européens et leur perception de ce vote.
Ce dernier aspect est un défi difficile à relever pour nos médias nationaux. Ils ont souvent du mal à penser européen, même quand on parle d'Europe. Malheureusement, les échanges entre journalistes de différents pays sont encore trop rares. Mais comment penser l'Europe avec de seules lunettes nationales ? Voilà un nouveau défi excitant pour la presse européenne au travers de ce "Brexit."