Actualité Changement climatique et réfugiés
Des réfugiés somaliens fuyant la sècheresse dans la Corne d'Afrique arrivent au camp de Dadaab (Kenya), en juillet 2011.

L’adaptation est la clé pour limiter les déplacements de population

Les centaines de milliers de réfugiés qui sont arrivés en Europe ces derniers mois fuyaient pour l’essentiel les guerres et les persécutions en Syrie, en Afghanistan et en Erythrée. Mais une vague encore plus importante provoquée par le changement climatique pourrait bientôt poser un défi encore plus grand si rien n'est fait pour réduire son impact.

Publié le 25 janvier 2016 à 11:26
Giro 555 SHO/Flickr  | Des réfugiés somaliens fuyant la sècheresse dans la Corne d'Afrique arrivent au camp de Dadaab (Kenya), en juillet 2011.

Le Prince Charles, Barack Obama, Mary Robinson et Naomi Klein ont tous fait un lien entre le changement climatique d’une part, et les migrations et les mouvements de population d’autre part. Dans son discours sur l’état de l’Union de 2015, le président Barack Obama a déclaré qu’”aucun défi – aucun – ne constitue une menace pour les générations à venir aussi grand que le changement climatique. Si nous n’agissons pas sous la contrainte, nous continuerons à avoir des sécheresses et des inondations, et des bouleversements de telle ampleur qu’ils vont provoquer des migrations et des conflits partout dans le monde.

Plusieurs commentateurs ont également remarquéque le réchauffement climatique a contribué à déclencher la guerre civile en Syrie, forcé des millions de gens à quitter le pays et a alimenté la crise des réfugiés en Europe. En même temps, avant le sommet de Paris, Naomi Klein a lancé un appel pour un accord qui “reconnaisse pleinement les droits des réfugiés climatiques à se déplacer vers des territoires plus sûrs”.

Au lendemain de la COP21, et vu les défis que pose la crise des réfugiés à l’Europe, cela vaut la peine d’examiner de manière approfondie le lien entre les changements climatiques et les déplacements de population.

Le changement climatique affecte clairement les déplacements de populations. Après tout, des millions de personnes, du delta du Mékong à la Corne d’Afrique, dépendent d’un climat constant pour leur mode de vie et sont vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes, exacerbés par le changement climatique. Une bonne partie d’entre eux vit dans des zones sujettes à la montée du niveau de la mer (songez aux îles du Pacifique) et aux inondations (des millions de personnes vivent dans les Sundarbans du Bangladesh). De plus, nombreux sont ceux qui espèrent qu’en mettant l’accent sur la manière dont le changement climatique va provoquer des déplacements massifs de populations, les dirigeants mondiaux vont agir, en réduisant les émissions de CO2 afin d’éviter les conséquences d’une augmentation de la température globale de plus de 2°C. L’accord de Paris marque une étape importante dans cette direction.

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Cela dit, afin de trouver une solution aux déplacements liés au changement climatique, nous devons comprendre que ces liens sont plus complexes qu’un simple rapport de cause à effet. Plusieurs hauts responsables du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations ont souligné que le changement climatique ne provoque pas toujours directement des migrations.

Des chercheurs comme Alexander Betts ont également souligné que les migrations sont un phénomène complexe et ayant plusieurs causes. Le changement climatique n’est qu’un des différents facteurs qui se croisent et qui ont un impact sur les mouvements de population. De plus, même dans le cas les plus extrêmes des catastrophes climatiques, tout le monde ne se déplace pas. Ce sont souvent les plus vulnérables qui restent sur place.

En fait, le plus important – que ce soit lors de l’ouragan Katrina (2015), le tremblement de terre au Sichuan (2008), ou la sécheresse en Syrie (2008 - 2011) – est la façon dont les politiques anticipent et répondent aux catastrophes naturelles. La manière dont le président George W. Bush a anticipé et répondu a été un échec aux proportions épiques. Au Sichuan (une catastrophe sans liens avec l’environnement, mais où on a eu un exemple très clair de mauvaise gestion politique d’une catastrophe naturelle), près de 5 000 enfants sont morts parce que leurs écoles ne répondaient pas aux normes de construction.

En Syrie, le “printemps arabe”, la sécheresse et le mécontentement qui couvait depuis un moment ont mené au soulèvement contre Assad, qui de son côté, mène une lutte acharnée contre son peuple. Ce que l’on peut remarquer ici, c’est que le changement climatique a un effet multiplicateur sur les menaces, alors que ce sont les leaders politiques ainsi que les structures économiques et sociales qu’ils dirigent, qui décident de qui souffrira le plus dans chaque catastrophe.

Il est essentiel de se rendre compte du rôle que ces facteurs politiques jouent pour décider de qui reste et qui part. Si l’on identifie le problème uniquement comme une question de déplacements induits par le changement climatique – souvent cité comme “réfugiés climatiques” ou “migrants climatiques” – on risque de proposer de mauvaises solutions. Par exemple, certains chercheurs et ONG, comme Friends of the Earth, ont demandé, un nouveau protocole international pour protéger et assister les “réfugiés climatiques”. Ils ont, à juste titre, mis l’accent sur le fait que les personnes qui ont dû se déplacer en raison d’une catastrophe climatique ne sont pas couvertes par la Convention sur les réfugiés de 1951, qui ne concerne que les personnes qui ont quitté leur pays d’origine parce que persécutées.

Pourtant, créer une nouvelle catégorie de “réfugiés” climatiques serait extrêmement problématique. Après tout, il est difficile de faire le lien entre le changement climatique et un événement météorologique particulier – et encore plus avec les mouvements de population. Il serait pratiquement impossible d’identifier les vrais “réfugiés climatiques” et de leur venir en aide sur cette base. De plus, cibler les aides sur les “réfugiés climatiques” voudrait dire ne pas prendre en compte ceux qui ont été contraints de fuir des catastrophes naturelles qui ne sont pas liées au changement climatique – comme les tremblements de terre – ou ceux qui sont restés sur place. Cela voudrait également dire que l’on ignorerait les besoins de ceux, et ils sont nombreux, qui fuient l’effondrement de leur Etat, comme en Afghanistan et en Irak, mais qui ne sont pas protégés par la Convention de 1951. Nous devons étendre la protection internationale à un groupe de gens beaucoup plus important que les seuls “réfugiés climatiques”.

Que faut-il faire du coup pour venir en aide aux victimes du changement climatique ? Il est essentiel que tous les gouvernements préparent des plans d’adaptation, afin d’anticiper et de gérer les effets négatifs du changement climatique. L’adaptation comprend toute une série de mesures, qui vont de la construction de barrières contre les inondations et la montée des eaux à l’information des agriculteurs sur le changement des conditions climatiques. En plus, les Etats devraient accroître le financement de l’adaptation dans les pays en développement les plus vulnérables. Un signe encourageant est venu à Paris, lorsque le secrétaire d’Etat américain John Kerry a annoncé a annoncé qu’il doublerait le financement pour l’adaptation, soit plus de 800 milliards de dollars par an.

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