Est et Sud se disputent l’argent

Alors que l'UE prépare un programme de soutien économique et politique aux pays d'Afrique du Nord en transition, certains Etats membres insistent pour que le voisinage oriental de l'Europe, en particulier le Caucase, ne soient pas oubliés.

Publié le 9 mars 2011 à 14:55

Qui est le plus en droit de recevoir des fonds européens ? Les révolutionnaires arabes ou les opposants en Europe orientale ? Ce débat divise profondément les Etats membres de l’Est et du Sud de l’Union européenne. A la fin de la semaine, les Vingt-sept vont s’efforcer d’apaiser la querelle.

La récente proposition de six pays du Sud de l’Europe de transférer le soutien financier aux pays voisins à l’Est de l’UE vers ceux de la rive sud de la Méditerranée a fait des remous dans les capitales d’Europe centrale. La France, l’Espagne, la Grèce, la Slovénie, Chypre et Malte estiment qu’"il n’est pas justifié" que l’Egypte reçoive à peine 1,80 euro par habitant du budget de l’UE consacré au soutien des pays voisins, et la Tunisie seulement 7 euros, alors que la Moldavie n’obtient pas moins de 25 euros. Sans compter que les caisses pour venir en aide au Sud sont quasi vides.

Les Etats membres du Sud de l’UE sont ceux qui supportent la plus lourde charge face aux flux de réfugiés que provoquent les révolutions arabes. Les événements là-bas sont d’une importance capitale pour l’Europe, font valoir ces pays méridionaux et leurs partisans. Cela vaut aussi pour ce qui se passe à nos frontières à l’est, réplique-t-on en Europe centrale, où les chiffres présentés par les méridionaux sont d’ailleurs contestés.

Les pays d’Europe centrale soulignent que plusieurs "conflits latents" sur le flanc oriental de l’Europe maintiennent une tension constante. A l’occasion du Global Security Forum à Bratislava, début mars, il est apparu en outre que la crainte de la Russie continue de prédominer dans les Etats membres de l’UE anciennement communistes.

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L'inquiétude des pays d'Europe centrale et de l'Est

La guerre entre la Russie et la Géorgie à propos de l’Ossétie du Sud en 2008 y a provoqué un grand traumatisme. "Et maintenant le Haut-Karabakh est sur le point d’exploser", redoute Oksana Antonenko, de l’International Institute for Strategic Studies, à Londres. Elle y voit les mêmes signes avant-coureurs qu’à l’époque en Ossétie du Sud. De plus, les régimes d’Asie centrale sont particulièrement fragiles. "De grands dangers pèsent sur la région, surtout quand les troupes américaines auront quitté l’Afghanistan. Je suis très pessimiste", dit-elle.

Les ministres des Affaires étrangères de la Géorgie et de la Moldavie ont vanté les mérites, lors du Forum, d’un soutien européen en faveur de la modernisation de leurs pays. Et le ministre hongrois des Affaires étrangères, János Martonyi, a déjà adressé un coup de semonce à ses homologues d’Europe méridionale : "Le soutien au Sud ne doit pas se faire au détriment de l’aide à l’Est".

Le ton est donné pour la réunion du 10 mars entre ministres des Affaires étrangères. Stefan Füle, commissaire européen chargé de la Politique européenne de voisinage, a tenté d’apaiser les pays d’Europe centrale : "Certains soutiennent que l’UE devrait concentrer tous ses efforts sur le sud. Non, notre engagement vis-à-vis de l’Est reste inchangé". Le budget existant ne permet pas de faire passer des fonds d’un poste à l’autre facilement. "Pourtant, nous avons réussi à trouver 17 millions d’euros supplémentaires pour la Tunisie. Nous étudions en outre comment l’enveloppe existante de 80 millions d’euros pour la période 2007-2013 peut être utilisée plus efficacement. Pour l’Egypte, la réflexion n’est pas encore achevée. Mais nous cherchons ensemble avec les institutions monétaires une approche nouvelle", a déclaré Stefan Füle.

"Plus pour plus" : le nouveau slogan de la politique de voisinage

La Politique européenne de voisinage n’est cependant pas seulement confrontée à des difficultés financières. Elle présente deux pôles dont l’approche est assez différente. Dans le monde arabe, des régimes ont été soutenus pour s’assurer que le pétrole continue d’affluer et ceux qui venaient tenter leur chance ont été maintenus à l’extérieur. Dans les pays de l’Est, une coopération s’est surtout établie avec la société civile et l’opposition politique.

Cela étant, l’Est, du fait du recul de la démocratie dans des pays comme la Biélorussie, commence de plus en plus à ressembler aux pays du Sud avant que des révolutions n’y éclatent. Récemment, Stefan Füle a présenté formellement ses excuses pour le soutien européen apporté pendant des années à des dictateurs.

A l’avenir, il va donc falloir que les choses changent. La Politique européenne de voisinage est un instrument pour atteindre un objectif. Mais quel est cet objectif ? Pour l’heure, il ne ressort pas très clairement, reconnaît Stefan Füle. L’adhésion à l’UE ? L’accès au marché européen ? Ou tout simplement s’assurer que les voisins ne représentent pas une menace pour l’UE ? De plus, une fois qu’une évaluation aura eu lieu, les fonds accordés dans le cadre de la nouvelle Politique européenne de voisinage devront être attribués différemment. "Nous devons formuler des objectifs extrêmement clairs comme le respect de l’Etat de droit, la démocratie, une bonne administration ou une aide pour lutter contre le terrorisme. Plus un partenaire tendra vers ces objectifs, plus il obtiendra d’aides". Le nouveau slogan pour la politique de l’Europe vis-à-vis de ses proches voisins : "Plus pour plus".

Démocratie

L’UE présente son plan pour l’Afrique du Nord

Le 8 mars, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a présenté "un plan de 6 milliards d'euros pour la démocratisation de l'Afrique du nord", rapporte El País. Bruxelles propose "une approche démocratique" de ses relations avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, note le quotidien, qui considère que l'Europe est "moralement forcée d'expier" sa connivence avec les régimes autoritaires de la région. L'instrument pour atteindre cette ambition est l'Association pour la démocratie et la prospérité partagée, dont la mise en place sera discutée le 11 mars lors du sommet européen. Un budget de 6 milliards d'euros est prévu, avancé par la Banque européenne d´investissement (BEI) et l'extension à la Méditerranée des activités de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). "Les aides seront liées à la fermeté dans les progrès en matière de droits de l'homme et de démocratie", précise El País.

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