Le Premier ministre démissionnaire José Sócrates au XVIIe Congrès national du parti socialiste portugais, le 10 avril 2011.

Une année qui s’annonce difficile

Le plan de sauvetage de 78 milliards d'euros accordé le 3 mai par l'UE et le FMI pour sauver le Portugal de la faillite permettra finalement une réduction du déficit plus graduelle que prévu, au grand soulagement des Portugais. Les temps s'annoncent toutefois toujours très difficiles, prévient le Jornal de Negócios

Publié le 4 mai 2011 à 16:14
Le Premier ministre démissionnaire José Sócrates au XVIIe Congrès national du parti socialiste portugais, le 10 avril 2011.

Quand Pedro Passos Coelho [chef de l’opposition conservatrice] a demandé à Bruxelles il y a quelques mois si le Portugal pouvait bénéficier d’un an de plus pour réduire son déficit, il a été traité d’immature, d’irresponsable, et on lui a reproché d’exercer une influence déstabilisante.

Hier, le Portugal a décroché précisément ce qu’il avait réclamé. Grâce à Dieu. Mais maintenant, qu’allons-nous faire, si l’on ne veut pas que cette année de répit ne soit qu’une année de plus ?

C’est aujourd’hui même que nous en saurons plus sur le programme d’austérité du FMI, de la BCE et de l’UE. Il sera plus rude que le PEC IV (quatrième Programme de stabilité et de croissance). Mais pas aussi brutal que le “PEC V” que l’on nous concoctait.

La joie superfétatoire de José Socrates

Nous voici désormais témoin du débat sur la victoire politique : la question n’est plus d’affirmer que "c’est leur faute", mais plutôt que "c’est grâce à nous". Les acteurs, eux ne changent pas : le PS (Parti socialiste), le PSD (Parti social-démocrate) et le PP (Le parti populaire). Or, ils sont effectivement trois à mériter des louanges pour la tolérance dont a bénéficié hier le Portugal. Mais ce ne sont pas ces trois-là. Il s’agit en réalité du FMI, de l’UE et de la BCE. Il vaudrait mieux faire preuve d’un peu de reconnaissance, plutôt que de fierté.

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En Grèce, l’intervention extérieure a été autoritaire, féroce et improvisée. Au Portugal, elle n’a été qu’autoritaire. La troïka nous laisse un an pour réduire le déficit budgétaire, pas par bonté d’âme, mais parce qu’elle pense qu’ainsi, son "plan" a davantage de chance de réussir.

En revanche, la joie affichée hier par le Premier ministre José Socrates a quelque chose de superfétatoire. L’austérité que nous nous sommes déjà imposée et les nouvelles mesures qui se profilent ne peuvent que nous inciter à l’humilité. Mais les élections sont un carnaval, aussi, personne n’en prend ombrage : les homems politiques ne sont que des masques.

Après la bonne nouvelle d’hier, voici aujourd’hui les détails du programme. Il y a trois types de mesures : une consolidation fiscale pour réduire le déficit et la dette ; une politique économique favorable à une hausse de la croissance potentielle ; et une politique qui vise à garantir la viabilité du système financier.

Ceux au pouvoir ne sont pas Portugais mais décident pour le Portugal

Les retraites supérieures à 1 500 euros feront l’objet de réductions. Environ 1,4 million de membres des familles de salariés et de retraités de la classe moyenne paieront plus d’impôts sur le revenu (par le biais de limites imposées aux allocations de santé et d’éducation).

L’Etat va privatiser tout ce qu’il pourra à des prix défiant toute concurrence. Les allocations chômage seront réduites, le licenciement coûtera moins cher aux entreprises. Les aides à l’achat des biens immobiliers seront limitées, les banques contraintes de moins prêter. Le budget des compagnies de transport public sera amputé. Et une augmentation de la TVA est envisagée pour compenser la baisse des cotisations sociales des entreprises.

Pourquoi va-t-on faire tout cela ? Pour remettre à flot un pays qui est en train de couler. La troïka n'a pas endossé le costume d'un agent de recouvrement venu réclamer le paiement des dettes. Comme nous allons le voir, elle a apporté un plan pour améliorer l'économie et la rendre plus compétitive. Les Portugais, qui sont conservateurs, vont le détester. Mais les libéraux (la troïka) ont le pouvoir en ce moment. Ils ne sont pas Portugais et n'ont pas été élus par les Portugais, mais ce sont eux qui décident.

Les banques subiront un retour de bâton, mais leur accès aux liquidités sera protégé. Ces liquidités seront injectées dans l'économie, mais sous certaines conditions. La législation du travail sera assouplie, la mobilité sociale s'améliorera, les augmentations de salaires dépendront de la productivité au lieu de l'inflation et nous devrons apprendre à mener une vie basée sur une économie nominale, sans levier.

Les entreprises des secteurs protégés perdront leurs privilèges, il y aura davantage de concurrence. Et si tout va bien, la justice portugaise sera réformée. Nous avons un an pour accomplir cette tâche. Heureusement. Ce ne sera pas drôle, mais fastidieux. Cela devrait changer notre vie. Il vaut mieux que ce soit notre vie que notre monnaie, notre souveraineté ou notre pays. Bonne et heureuse année à tous.

Opinion

Le Portugal a encore besoin du fouet européen

"C'est aujourd'hui le jour J pour le Portugal. Les chefs de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, qui, depuis trois semaines, examinent à la loupe l'économie portugaise, vont révéler l'ensemble des mesures que le Portugal devra appliquer en échange d'un prêt de 78 milliards d'euros pour éviter la faillite",écrit dans Público Teresa de Sousa. A son sens il s'agit là de la dernière chance pour s'assurer que le Portugal reste dans la zone euro et "éviter l'appauvrissement et la marginalisation politique".

L'éditorialiste compare la situation à 1986, lorsque le Portugal s'apprêtait à rejoindre la Communauté européenne et que de nombreuses voix estimaient que le pays avait besoin du "fouet" européen. Aujourd'hui, explique-t-elle, les Portugais ont de nouveau besoin de ce fouet. Le gouvernement tout comme l'Europe sont pour la journaliste responsables de cette crise : "Le gouvernement portugais est largement responsable pour ne pas avoir vu venir la tempête et pour avoir cru qu'il pourrait l'affronter sans coût politique. L'Europe est elle coupable pour ne pas avoir réussi à gérer cette crise avec une vision globale et cohérente."

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