Un parc éolien à Plouarzel (Bretagne).

Les énergies vertes ? Pas dans mon jardin !

Contrairement à ce que l’on pourrait coire, les premières victimes des recours au nom de la protection de l’environnement ne sont pas les centrales atomiques ou les incinérateurs, mais les chouchous des écolos : les centrales hydro-électriques, les photovoltaïques ou encore les parcs éoliens.

Publié le 6 mai 2011 à 15:23
Un parc éolien à Plouarzel (Bretagne).

Les Anglais ont surnommé ce phénomène le syndrome NIMBY. Cet acronyme signifie "Not In My BackYard", "Pas dans mon jardin". La volte-face du gouvernement italien sur son projet de retour au nucléaire – il y a quelques jours à peine – est un cas d’école du syndrome NIMBY. En clair, les difficultés rencontrées à Fukushima ont prouvé qu’il existait des risques d’accidents graves dans les centrales nucléaires. On a aussitôt assisté à une levée de boucliers contre toutes les centrales. Pas dans mon jardin, construisez-les ailleurs, partout ailleurs, parce qu’ici, on s’en méfie.

Toutefois, le syndrome NIMBY ne touche pas uniquement les centrales nucléaires ou les incinérateurs. Selon le Nimby Forum – qui prend le pouls des réseaux de contestation écologique en Italie –, plus de 70% des contestations faites à l'encontre des centrales électriques concernent les centrales biomasses ou hydroélectriques et les équipements éoliens ou photovoltaïques.

Plus facile d'installer une centrale nucléaire que des éoliennes

Il s’agit de projets qui visent à promouvoir les énergies renouvelables, pour ansi nous dispenser d’utiliser les énergies fossiles. Mais ils sont critiqués par des comités spontanés, des maires et des conseils municipaux autant, si ce n’est plus — on nage en plein paradoxe — que les infrastructures ou les installations industrielles, dont chacune ne fait l’objet que de 5% des recours devant la justice.

Les champions du NIMBY sont les listes citoyennes, des mouvements qui se situent au-delà des clivages politiques traditionnelles, qui sont à l’origine de plus de 60% des recours de type NIMBY. Leurs motivations sont évidentes : l’inquiétude, la peur, la désinformation, une méfiance à l’égard de la politique, mais aussi et surtout la quête de popularité à court terme. En effet, l’instrumentalisation du syndrome NIMBY à des fins électorales est facile et peut rapporter gros.

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Le changement de cap du gouvernement italien sur le nucléaire [en 2010, l’exécutif a décidé de revenir à la production d’énergie atomique, arrêtée par référendum en 1987, avant de finalement annoncer un moratoire sur son programme en mars dernier] montre clairement les résultats que l’on peut obtenir en suivant l’humeur populaire.

Il ne s’agit toutefois pas d’une bonne nouvelle, surtout pour tous ceux qui espèrent que la sortie du nucléaire permettra de développer les énergies renouvelables. Paradoxalement, en Italie, il est plus facile d’installer une centrale nucléaire que l’équivalent en parcs éoliens.

La furie des Danois contre les éoliennes

La raison en est simple : pour l’équivalent de trois ou quatre centrales nucléaires, il faut installer des milliers d’éoliennes disséminées sur tout le territoire — l’énergie éolienne est aujourd’hui, en Italie, la seule qui puisse rivaliser avec le nucléaire, aussi bien sur le plan quantitatif qu’économique.

Chiffres à la clef, quatre centrales nucléaires de 1600MW chacune – c’est feu le plan du gouvernement actuel – auraient produit 44 TWh par an d’énergie électrique, soit 15% de la production nationale italienne. Pour générer la même quantité d’énergie grâce à l’énergie éolienne, il faudrait 12 000 éoliennes : des dispositifs de cent mètres de haut, munis de pales de 75 mètres de diamètre, chacun demandant 1 100 tonnes de béton d’acier et d’aluminium.

Et même si on n’en installait que la moitié, et que l’autre moitié de l’énergie était confiée à la biomasse, à l’énergie solaire ou aux économies d’énergie, il faudrait malgré tout construire 6 000 tours. Ce qui signifie plus de 7 millions de tonnes de béton et d’acier. Quand on sait que l’Empire State Building pèse 275 000 tonnes, il serait question d’en construire 25, disséminés sur les 2 400km2 éligibles, répartis essentiellement en Sicile, en Sardaigne et dans les Pouilles, les régions qui présentent le meilleur potentiel.

Le problème posé par l’impact des éoliennes sur l’environnement inquiète également un pays comme le Danemark : l’implantation des nouvelles turbines de 150 mètres de haut dans le Port Nord de Copenhague a déchaîné la furie de l’adjoint au maire et des habitants du quartier local de Gentofte. En d’autres termes, il est sans doute possible de vivre grâce aux énergies renouvelables.

Mais, de deux choses l’une : soit on considère qu’on peut vivre avec beaucoup moins d’énergie – mais alors nettement moins, car il ne s’agit pas de supprimer juste deux ou trois ampoules – soit on accepte que l’environnement subisse l’impact des éoliennes, des panneaux solaires, des nombreuses centrales à biomasse, et ainsi de suite. Bref, il faut se passer du syndrome NIMBY et accepter que les énergies renouvelables n’ont pas que des avantages.

Sinon, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, n’auront d’autre choix que d’installer des milliers d’éoliennes de panneaux solaires ou de centrales à biomasse contre la volonté de milliers de maires, d’adjoints, d’écologistes, de présidents de régions et d’autres petits malins. Dans un pays régionaliste comme le notre et en l’absence d’un plan national stratégique contraignant en matière d’énergie, cela prendrait simplement des milliers d’années.

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