"Bonjour de Vienne en Autriche"

La nostalgie de l'"îlot de bonheur"

Seulement 21 % des Autrichiens comptent se rendre aux urnes le 7 juin. Synonyme d'ouverture des frontières, l'Union européenne leur fait de plus en plus peur, explique Barbara Coudenhove-Kalergi.

Publié le 26 mai 2009 à 13:00
"Bonjour de Vienne en Autriche"

Un jour, un collègue journaliste étranger m’a demandé : "Pourquoi tant d’Autrichiens s’opposent-ils à ce point à l’Union européenne, alors que leur pays a profité de son appartenance à l’UE ? Et pourquoi les Autrichiens sont-il si nombreux à voter pour des partis d’extrême droite ? " Des questions que les observateurs étrangers risquent de poser à nouveau ces prochaines semaines, à l'approche des élections européennes. Voici une tentative de réponse.

Tout au long des dernières décennies, l'Autriche a progressivement perdu ses repères. Après la Seconde Guerre mondiale, les Autrichiens se sont peu à peu isolés, s'éloignant d'une Histoire mondiale dont les premiers chapitres furent, pour eux, synonymes d'échec. La Première République [1919-1938] s'était construite sur les ruines d’une nation multiculturelle morcelée par la Première Guerre mondiale. Puis le pays s'est arrimé, bon gré, mal gré, à l’Empire allemand avant de sombrer avec lui dans la défaite. Résultat : les Autrichiens se sont enfermés dans leur beau petit pays. A l'abri de leur neutralité, ils se sentaient protégés de toute l’injustice qui régnait à l’étranger. L'Autriche était devenue un "îlot de bonheur". Mais un jour, l’Histoire mondiale les a rattrapés. L’adhésion à l’Union européenne a ouvert les frontières du pays à l’Ouest, avec toutes les conséquences liées à la mondialisation et la concurrence qui en découlent. Les migrants sont entrés, en grand nombre. L’Autriche n’était plus cet "îlot de bonheur" tant apprécié. Aujourd’hui comme hier, beaucoup considèrent l’UE non comme une grande patrie mais comme une force d’occupation, et leurs voisins orientaux – notamment la Turquie – comme des ennemis menaçants. Dans le fond, ils regrettent le bon vieux temps où l’Autriche ressemblait à un "Schrebergarten" [ équivalent autrichien des jardins ouvriers].

Les partis de droite surfent sur ce sentiment de peur. Les réponses simples à des questions compliquées séduisent toujours. Dans le cas qui nous intéresse, voici comment elles se résument : les responsables de tous nos malheurs sont, au choix, les étrangers ou l’UE. Sans eux, tout irait pour le mieux dans le meilleur des pays. Les partis au gouvernement sont en partie responsables de cet état d'esprit. Ils n’ont jamais contredit les paroles de ces affreux politiciens qui ont l'art de tout simplifier. La coalition noire-bleue [conservateurs et extrême droite, au pouvoir de 2000 à 2006] a achevé de donner une légitimité à la xénophobie, au racisme et au provincialisme outrancier. Il ne reste plus beaucoup de temps jusqu’aux élections européennes. C'est le moment ou jamais de prononcer des paroles claires. Sinon, à l'issue des élections du 7 juin, l'Autriche risque bien d'apparaître comme le vilain petit canard de l'Europe; le seul pays à basculer à l'extrême droite, de même que la Carinthie [la province dont Jörg Haider était le gouverneur] fut un temps la honte de l'Autriche.

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