La chancelière allemande Angela Merkel survolant Kaboul en hélicoptère, en 2007 (AFP)

Le soft power à l'européenne montre ses limites

Les Afghans se sont rendus aux urnes jeudi 20 août pour la deuxième élection présidentielle depuis 2004. La paix et le modèle de démocratie occidentale peinent cependant à s'installer. Tout en prétendant avoir un rôle à jouer, les pays européens n'assument pas pleinement leurs engagements au sein de la mission de l'OTAN et ne consacrent que de maigres ressources à la reconstruction.

Publié le 20 août 2009 à 13:15
La chancelière allemande Angela Merkel survolant Kaboul en hélicoptère, en 2007 (AFP)

Le politologue Klaus Bachmann critique dans les pages de l'hebdomadaire polonais Polityka le manque de réalisme des pays européens. Certains y ont envoyés des troupes, mais refusent, par peur de froisser leur opinion publique, de voir les choses en face. "Aujourd'hui", dit-il, "la Pologne n'a pas grand-chose à voir avec un pays en guerre. Les pays en guerre imposent la censure militaire, comme Israël, ou limitent les libertés civiles, comme les Etats-Unis. Rien de tout cela ne se produit en Pologne, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Le gouvernement allemand fait de son mieux pour ne pas qualifier de guerre l'intervention en Afghanistan et la présente comme une sorte d'opération de police, en créant l'illusion que ses troupes sont là essentiellement pour soutenir la société civile, construire des écoles ou défendre les droits des femmes". Bachmann estime également que la paix en Afghanistan sera d'autant plus difficile à obtenir que le seul moyen d'y parvenir – négocier avec les Talibans, que cela nous plaise ou pas – est devenu impossible à "vendre" à nos opinions publiques, "après que des centaines de soldats européens et américains sont morts en les combattant" depuis 2001.

Dilema Veche doute également que la tactique appliquée par l’UE en Afghanistan soit la meilleure, et qualifie de "désolante" "l’incapacité des pays occidentaux à assumer leurs responsabilités". L’hebdomadaire roumain s'en prend notamment à cette "légion entière de porte-paroles de la pensée faible, qui nous ont mis dans la tête que le conflit afghan et la reconstruction du pays se feront à coups de soft power. Une méthode dans l'air du temps, car nos démocraties préfèrent donner de l'argent que de s'impliquer sur le terrain aux côtés des ONG et des autres organisations" qui travaillent quotidiennement au contact des Afghans. "Il faudrait abandonner l'illusion que la méthode douce seule est plus efficace que la méthode dure et changer de tactique".

Militairement timide, l'Europe n'est pas beaucoup plus engagée financièrement dans la reconstruction civile de l'Afghanistan, estime quant à lui Edward Burke dans El País. Selon ce chercheur de la Fondation pour les recherches internationales et le dialogue extérieur de Madrid, "le fait de mettre de côté la politique de la violence n'a pas d'autre résultat que de rendre le processus de stabilisation plus long, difficile et coûteux". Ainsi, "les objectifs de l'Europe et du Royaume-Uni en Afghanistan consistent en ce moment à contenir les insurgés, non pas à bâtir des institutions nationales fortes et transparentes". La manque de préparation des Occidentaux qui a accompagné ce rendez-vous électoral en serait la preuve. "Les maigres fonds européens destinés à l'Afghanistan ne représentent pas précisément un effort colossal pour implanter un modèle institutionnel occidental. Parmi les donateurs européens, seuls le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Commission européenne ont versé plus de 100 millions d'euros par an à l'Afghanistan pour l'aide au développement. Les autres ont versé moins de ce qu'ils destinent à des petits pays d'Amérique latine ou d'Afrique. Entre 2008 et 2010, le Royaume-Uni a prévu de dépenser moins de 20 millions de livres (23 millions d'euros) pour l'activité du gouvernement et le soutien à la démocratie. Et l'engagement de l'OTAN de bâtir un Etat afghan idéal n'est que pure rhétorique". La vérité, conclut Burke, "c'est que l'Europe ne contribue pas beaucoup à la construction de l´Etat en Afghanistan. On mène des petites attaques contre les insurgés, au cours desquelles on emploie essentiellement des forces spéciales anglo-américaines. Tandis que les diplomates et les spécialistes du développement ne peuvent agir en raison des limites que leurs gouvernements imposent à leurs mouvements. Le danger, c'est qu'au lieu d'imposer un modelé occidental, on se dirige vers l'extrême opposé et que l'on situe le niveau d´exigence au plus bas pour justifier un retrait rapide des européens".

Le meilleur du journalisme européen dans votre boîte mail chaque jeudi
Tags
Cet article vous a intéressé ? Nous en sommes très heureux ! Il est en accès libre, car nous pensons qu’une information libre et indépendante est essentielle pour la démocratie. Mais ce droit n’est pas garanti pour toujours et l’indépendance a un coût. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à publier une information indépendante et multilingue à destination de tous les Européens. Découvrez nos offres d’abonnement et leurs avantages exclusifs, et devenez membre dès à présent de notre communauté !

Média, entreprise ou organisation: découvrez notre offre de services éditoriaux sur-mesure et de traduction multilingue.

Soutenez le journalisme européen indépendant

La démocratie européenne a besoin de médias indépendants. Rejoignez notre communauté !

sur le même sujet