Ils revendiquent leur végétalisme mais arborent des bottes en cuir vintage. Impossible de siroter un verre à New York sans les voir avec leur pantalon écossais, leurs lunettes à monture d’écailles, leur peau livide qui leur donne un aspect vampirique : les "hipsters" n’oublient jamais, ni leur look, ni leur mode de vie alternatif (heureusement financé par de riches parents). Le mot est dérivé de "hop" en argot qui signifiait opium dans les années 40. A cette époque on appelait "hipsters" les amateurs de jazz qui singeaient les attitudes cool des musiciens comme Charlie Parker. Ils font un peu penser aux "bobos" français, terme créé en 2000 par le journaliste américain David Brooks dans son livre Bobos in Paradise. Ces "bourgeois bohèmes", Parisiens de la haute qui consomment des produits naturels et portent des vêtements en coton bio, ne se privent guère d’un iPhone ou autres gadgets à la mode. Si les "hipsters" ne se sentent pas vraiment concernés par les débats politiques, ce n’est pas le cas des bobos, purs produits de mai 68, devenus "libéraux" après avoir été "libertaires".
Plutôt "gauche caviar" ou "champagne socialist" ?
Les "banana kids" polonais, eux, s’opposent à la gauche traditionnelle. Ces activistes, enfants de membres du Parti communiste, se sont rebellés contre la vieille garde. On les a accusés de scier la branche sur laquelle ils étaient assis. Les communistes les surnomment ainsi car la banane était hors de prix sous le régime soviétique, histoire de souligner leur origine relativement aisée…Si, aujourd’hui, certains bobos votent socialiste, c’est peut-être qu’ils appartiennent à la "gauche caviar", les gauchistes, petits doigts levés, auxquels on reproche de s’éloigner des préoccupations de leur base : les électeurs de gauche de la classe moyenne. Les Italiens qualifient ce phénomène de "radical-chic" alors que les Britanniques ont tourné en ridicule les travaillistes en recourant, depuis 1989, à l’expression "champagne socialists" ou encore "limousine liberals". A cette époque pourtant, le commerce du caviar comme celui du champagne a été frappé par la crise boursière, ce qui a mis une claque, dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, à la culture du "yuppie", le jeune cadre dynamique et urbain. Qui sait quelles nouvelles espèces vont apparaître lors de la crise économique actuelle ? Question plus cruciale encore : ces espèces, que vont-elles donc porter ?
Diane Choi, traduite par Anne-Laure Aucher