Affiche électorale de Horst Schlämmer. Photo : www.waehle-schlaemmer.de

La République pour rire

L'irruption de Horst Schlämmer, candidat loufoque à la chancellerie, a donné un ton surréaliste à la campagne électorale allemande. Le Polonais Ędward Ącki ou le français Christophe Salengro parodient eux aussi leurs dirigeants en jouant la carte de l'hyper-réalisme. Une menace pour la politique "sérieuse" ? s'interroge cafebabel.com

Publié le 11 septembre 2009 à 10:44
Affiche électorale de Horst Schlämmer. Photo : www.waehle-schlaemmer.de

La première entrée en scène du journaliste de province, grassouillet et sérieusement alcoolique, remonte à quatre ans. Sa célébrité, le rédacteur en chef adjoint du quotidien Grevenbroicher Tagblatts ne l’a pourtant acquise qu’une fois impliqué dans la campagne électorale allemande. Alors que la plupart des Allemands se demandent encore où se situe précisément la ville de Grevenbroich, Horst Schlämmer, lui, a fondé son propre parti et lancé une campagne électorale médiatique. Le film Isch kandidiere (« Che chuis candidat »), qui raconte l’ascension du petit provincial au siège ultime de chancelier fédéral allemand, est sorti au cinéma le 20 août en Allemagne.

Derrière le faux politicien qui fait la joie de ses partisans grâce à des slogans tels que "Sonnenbank für alle !" ("Des UV pour tous !") ou "Yes Weekend !" se cache le comique le plus populaire de toute l’Allemagne : Hape Kerkeling. Il s’est fait remarquer en imaginant des personnalités fictives. Mais aucun de ces personnages précédents ne l'a entraîné aussi loin que Schlämmer, qui a décidé un jour de ne s’est plus se satisfaire de sa misérable existence de journaliste localier. Il a depuis fait son entrée dans la vraie vie politique : "Mon nom est Horst Schlämmer. Et je serai votre prochain Chancelier fédéral", a-t-il lancé à la nation. Le spectateur frissonne, et Kerkeling, lui, ricane dans sa barbe.

( Bande-annonce de la campagne de Horst Schlämmer )

Ędward Ącki, l'homologe polonais de Schlämmer

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Mais qui est Horst Schlämmer ? Un vrai journaliste de Westphalie ? Un personnage de Hape Kerkeling ? Peut-être même les deux. Le créateur lui-même évoque le concept de l'hyper-réalité. Cette notion désigne, sous sa forme la plus simple, un état dans lequel la conscience humaine perd sa capacité à différencier la réalité d’une illusion parfaite. Hape Kerkeling n'est pas le premier comique qui a fait sensation dans l'arène politique. Le comédien français Christophe Salengro incarne depuis 1984 le personnage du Président du Groland, dans une émission de télévision de la chaîne française Canal+. Comme dans tous les Etats vraiment existants, le Groland dispose de son propre hymne et de son drapeau ; des passeports grolandais peuvent même être délivrés à la demande. Chaque citoyen peut d’ailleurs se porter candidat à l’élection présidentielle du Groland. Petit hic : seul le président en fonction possède le droit de vote.

Tout comme Schlämmer, le polonais Ędward Ącki s’est reconverti et se mêle désormais aux affaires politiques de son pays. Le personnage politique fictif, qui a été créé par le journaliste et animateur de radio Szymon Majewski, souhaite avant tout "dépoussiérer" la politique polonaise. Le nom de son parti, ĘĄ - Szczerzy DO bólu ("Y aller franchement jusqu’à ce que cela fasse mal") montre déjà qu’Ącki ne ménage pas sa peine. Beaucoup de fans s'étaient déplacés lors de son apparition publique prônant l’anti-corruption, au cours de laquelle le linge sale de l'Etat a été lavé symboliquement devant le Palais de la culture polonais. Il n’a maintenant plus qu’un petit pas à franchir pour être sélectionné pour les prochaines élections présidentielles, en 2010.

Politique fiction

Faut-il craindre une invasion de personnages fictifs dans les parlements nationaux ? Le personnage au look ringard et repoussant de Kerkeling, Horst , tend certes un miroir à notre société qui s'intéresse toujours plus à ses "people" et toujours moins à ses politiciens, mais cela ne signifie pas pour autant la fin de la politique "sérieuse". En France, en 1981, l'humoriste Coluche avait créé l'événement en annonçant sa candidature (à la candidature) aux élections présidentielles. Crédité de plus de 16 % d'intentions de vote, il avait alors subi diverses pressions qui l'avait poussé à renoncer à se présenter. Le président de la République du Groland qui voulait se présenter aux élections présidentielles de 2007 (contre Nicolas Sarkozy) a finalement abandonné l'idée, faute de signatures nécessaires. Et Schlämmer, s’il avait eu le courage de se coltiner une telle paperasse, aurait probablement eu les mêmes problèmes… en tout cas, avec le slogan "Libéral, conservateur et de gauche – il y en a pour tout le monde », il pouvait espérer un bon score !

Lilian Maria Pithan traduite par Hélène Gouhier

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