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Paris, un paradis très européen

Publié le 25 mars 2013 à 12:23

Comment expliquer que cette année, presque tous les débats du Salon du livre de Paris tournent autour de l’identité européenne ? Comment expliquer la présence de la commissaire européenne Neelie Kroes, le 25 mars, pour parler du livre à l’heure du numérique ?
Peut-être par une raison évidente : la littérature - la culture dans son ensemble - tout comme l’économie, la société, les finances ou la politique, est confrontée à une crise existentielle. Petits ou grands pays, les nations européennes, membres d’une même famille, sont autant de solistes dans un concert multinational et multilingue, posture qui renforce leur besoin d’identité propre.
L’identité européenne justement, se façonne dans le cadre d’une construction aux multiples facettes. Thierry de Montbrial, directeur de l’Institut français de relations internationales (IFRI) considère "la construction européenne comme le plus fantastique [des] laboratoires" : "Nous nous trouvons devant un problème de double identité : accomplir celle de l’UE, assez vague, et puis accomplir, avec fierté, notre identité nationale. Qui peut dire aujourd’hui avec précision qui fait vraiment partie, et comment, de l’Europe ?"
Des propos dignes d’un colloque consacré à la construction européenne plutôt que d’une discussion sur le stand roumain du Salon du livre (la Roumanie est l’invitée d’honneur) !
Pourtant, pendant les cinq jours de cette 33ème édition du Salon, les discussions littéraires ont tourné autour d’un seul thème, comme dans une valse fantastique, captivant à la fois un public français désireux d’écouter et des journalistes du monde entier avides de comprendre ce qu’était l’identité.
”Sommes-nous européens ou pas, maintenant que nos livres sont traduits partout et que le continent récupère les écrivains roumains, après un décennie communiste ?”, se sont demandé les écrivains roumains présents au salon. ”Quel est mon vrai pays : l’Union européenne, pour le public de laquelle j’ai écrit mon roman (Les lapins ne meurent pas, Actes Sud, 2011), la Roumanie, que je représente ici, la Moldavie, qui ne m’a jamais vraiment reconnu, ou la Transnistrie, aux confins de laquelle j’habite, dans un monastère coupé du monde ?”, s’interrogeait, avec amertume, le père Savatie Bastovoi.
“Quelle est la place des langues régionales, comme le catalan ? Peut-on écrire en castillan et être compris par tout le monde ?”, se demande Carlos Luis Zafon, l’écrivain espagnol contemporain, ambassadeur de sa ville natale Barcelone, autre invitée du Salon ?
Au coeur de cette immense librairie européenne, les dialogues interculturels ont fusé. Nous pouvons donc affirmer que ce salon a été celui d’une identité européenne…francophone ! Sans oublier de mentionner les nombreux débats consacrés à la relation franco-allemande qui fêtait cette année ses 50 ans, autour du thème de la ”communauté de destin”.
Le point commun de tous ces débats ? La langue française ! Ces débats, ces rencontres ou ces dédicaces ont ainsi rappelé que la seule manière de ne pas cautionner la mort d’une langue est de la parler. Aussi bien pour comprendre que l’Europe est la patrie de toutes les minorités linguistiques qu’elles soient arméniennes, hongroises, catalanes que pour s’étonner que, malgré la censure ou l’exil, la littérature continue de pénétrer les âmes. De recréer ainsi le Paradis originel ? Et pourquoi pas ! Le père Bastovoi, lui, a tranché : "Tout le monde me demande comment je me sens à Paris. Eh bien, je me sens comme au Paradis. Je vois des personnes de toute sorte, j’entends toutes les langues, et le fait que moi, je ne parle pas français mais que j’arrive à me faire comprendre de vous par des signes et des sourires, me renvoie aux origines du monde !"

Et s’il avait raison ? Bien au-delà des empires ottoman, roman, grec, austro-hongrois qui tous se sont effondrés, les livres eux, sont restés.

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