unknows Rentrée politique en France

La politique du verre à moitié plein

Publié le 21 août 2013 à 11:25

Au mois d’août, comme chacun sait, la vie publique française tourne au ralenti. Mais, au vu de la délicate posture dans laquelle se trouve le pays, François Hollande a sommé ses ministres de mettre leurs grandes vacances à profit pour réfléchir à l’avenir de la France. D’identifier les forces et les faiblesses du pays. Ils viennent de présenter leurs devoirs de vacances au locataire de l’Elysée, qui souhaite s’en inspirer pour proposer, d'ici à la fin de l’année, une feuille de route "France 2025", censée préparer le pays à affronter l’avenir.
2025 ? Dès le lendemain, la polémique faisait rage dans les médias pour savoir si le gouvernement n’avait pas commis là une erreur de communication – du pain bénit pour l’opposition. François Bayrou, le président du MoDem, a clamé sur les toits que le gouvernement ferait mieux d’"identifier clairement quels sont les problèmes qui nous empêchent d’aller bien en 2013".

Or, le gouvernement n’en veut rien savoir. Les ministres rivalisent d’optimisme dans leur vision de la France : le ministre des Finances, Pierre Moscovici, juge un retour du "plein emploi" à l’horizon 2025 "réaliste". Sa collègue de la Justice Christiane Taubira estime pour sa part possible de résoudre le problème de la surpopulation chronique des prisons françaises grâce à la "mise en place de peines alternatives à l’incarcération" tandis que Cécile Duflot, la ministre du Logement, laisse entrevoir dans le document prospectif qu’elle a présenté un pays dans lequel "l’accès au logement pour tous" ne sera plus "un facteur de stress, mais une étape plaisante".

"Ce qui manque à la France, c’est la capacité à se projeter", déclare le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour justifier ce changement de cap. Or, il ne devrait pas se trouver grand monde pour se laisser endormir par ce discours. La presse allemande, qui se fait du mouron pour la France depuis longtemps, ne parvient pas à comprendre les lubies estivales de sa voisine. "Au lieu de s’atteler aux problèmes parfaitement identifiés du présent, voilà que François Hollande se pose aujourd’hui en ‘Captain Future’ et demande à ses ministres de plancher sur une vision d’une France heureuse", ironise Die Welt :

A la lecture de leurs [rapports thématiques], on ne peut s’empêcher de penser que les auteurs ont fait leurs devoirs en plaisante compagnie, à la faveur d’une chaude soirée d’été arrosée de quelques bouteilles de rosé.

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Même la Süddeutsche Zeitung, d’ordinaire bien disposée à l’endroit du voisin français, n’est pas convaincue par cette bonne humeur estivale. Certes,

il est tout à l’honneur du président français de demander à ses ministres de voir plus loin que le bout de leur mandat [...] mais la plupart d’entre eux ont hélas compris de travers la vision prescrite et se sont, ici et là, laissés aller à des élucubrations hallucinées. Le gouvernement promet ainsi emplois et logements pour tous. [...] La plupart des ministres font l’impasse sur les […] réformes douloureuses nécessaires à une telle rénovation du pays. C’est lâche – et malhonnête - à l’égard du peuple français qui pressent depuis bien longtemps que des coups de rabot dans les ‘acquis sociaux’ lui pendent au nez.

Quid de l’opposition ? Celle-ci préfère se tourner vers le passé plutôt que de se préoccuper de l’avenir. "Plus d’un an après la défaite, la droite semble enfin prête à mener l’inventaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy", écrit Le Monde.
Le président de l’UMP, Jean-François Copé, vient de donner son feu vert au "droit d’inventaire" du quinquennat Sarkozy – un concept lancé en 1995 par l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin – et se dit prêt à ouvrir un débat "sérieux et objectif" sur l’ancien chef d’Etat, à la condition toutefois qu’il "serve exclusivement l’avenir".

Bref, en France, "le futur, c’est l’avenir", comme le résume si bien le Canard enchainé.

Traduction : Jean-Baptiste Bor

Photo : Reuters

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