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Le rêve terni des voisins de l’UE

Publié le 11 mars 2011 à 15:55

A long terme, ce sera peut-être la conséquence la plus grave de la crise de l’euro, qui a mis en évidence des divisions profondes au sein de l’UE : Bruxelles ne fait plus rêver les populations des pays candidats à l’adhésion. En Croatie, ils ne seraient plus que 25% à demeurer favorables à l’adhésion de leur pays, rapporte La Tribune. La bannière étoilée a même été brûlée lors de manifestations antigouvernementales. "J’aime la Croatie. Non à l’UE", lit-on sur certaines pancartes des milliers de personnes descendues à Zagreb pour demander la démission du gouvernement formé par l'Union démocratique croate. Dans ce pays où le chômage approche la barre des 20%, l’Europe n’est plus perçue "comme une issue [aux] difficultés actuelles", souligne le quotidien économique français.

Les Turcs, quant à eux, semblent de plus en plus nombreux à se rallier à l’idée d’une réorientation stratégique vers leur versant asiatique, détournant leur regard de l’Europe des "plans de sauvetage". En outre, les soulèvements arabes ont donné des ailes au "modèle turc" liant modernisation et islam, alors que l’UE semble effacée sur le dossier. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui était en parade à Dusseldorf le 27 février, hausse d’ailleurs le ton face à l’Europe, déclarant que "s'ils ne veulent pas de la Turquie, ils devraient le dire ouvertement…et dès lors, nous nous occuperons de nos affaires et nous ne les embêterons pas." Alors que les perspectives d’une adhésion sont au plus bas, les Turcs n’étaient plus que 38% à continuer à la soutenir en 2010, relève Al Jazeera. En 2004, on dénombrait encore 73% d’europhiles en Turquie.

Autre cas de figure : l’Islande. Longtemps eurosceptique, le pays a déposé dans l’urgence une demande d’adhésion en 2009, alors que son économie était en ruine suite à l’exposition démesurée de ses banques à la crise des subprimes. Mais l’opinion islandaise a fortement évolué depuis la crise financière, souligne Le Soir. "Dans la panique, beaucoup de gens ont vu dans l’Europe une assurance pour l’avenir", explique Olafur Gylfason, directeur d’un institut de sondage. Mais "aujourd’hui, les esprits se sont calmés, seuls 18% de la population jugent l’UE crédible". L’Islande a pu entre temps recouvrer une meilleure santé économique, dévaluant sa devise et ne remboursant pas ses créanciers britanniques et néerlandais (aujourd’hui un sérieux contentieux sur la voie de l’adhésion). Les voisins irlandais, affectés du même marasme, n’ont pas pu appliquer le même scénario, contraints d’accepter un plan de d’austérité élaboré par l’UE et le FMI.

L’UE fait-elle encore rêver les Ukrainiens et les Moldaves ? Les Macédoniens et les Serbes ? Certainement, mais sa crédibilité est en perte de vitesse. Depuis la chute du Mur, la politique de voisinage a constitué le vrai fleuron de l’action extérieure de l’UE, lui permettant d’exercer une influence importante sur ses voisins par la perspective de l’adhésion, servie sur un plateau d’argent. La Révolution orange en Ukraine a illustré ce pouvoir. Si l’Europe ne regagne pas en dynamisme économique, elle risque fort de perdre son atout-clé en matière de politique étrangère.

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