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“Le régime biélorusse veut détruire la presse indépendante”

Publié le 3 juin 2011 à 15:43

Fondatrice et rédactrice en chef de [34 Multimedia Magazine](http:// http://34mag.net/), l’un des principaux médias indépendants de Biélorussie, Iryna Vidanava enseigne à l’Université européenne des sciences humaines de Vilnius,qui accueille de nombreux étudiants biélorusses. Diplomée de l’Institut d’études politiques de l’Université Johns Hopkins, aux Etats-Unis, elle a été coordinatrice internationale de l’Assemblée des ONG pro-démocratie, qui regroupe des organisations indépendantes biélorusses.

Presseurop a rencontré Iryna Vidanava à Linz, en Autriche, où se tenaient les 23e Rencontres européennes des revues culturelles, organisées par Eurozine.

Quelle situation des médias en Biélorussie aujourd’hui?

Malheureusement, depuis l’élection présidentielle de décembre 2010, la situation est devenue pire que ce qu’elle avait été depuis des années. Nous avons l’impression que le régime cherche à nous limiter encore davantage, voire à détruire les médias indépendants.

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Comment travaillent les médias indépendants?

Ces dernières années, le développement des nouveaux médias a été très rapide, et les médias indépendants en ont profité parce que c’est la seule manière de pouvoir continuer. Donc pendant que le gouvernement se demandait encore comment utiliser Internet, nous y étions, ce qui nous a laissé le temps de nous construire une audience et une popularité. C’est pourquoi les médias indépendants sont très actifs sur Internet. Ils sont bien plus populaires que les médias d’Etat. Et nous arrivons au point où nous pourrons faire de la concurrence en terme d’audience à la télévision d’Etat.

D’autre part, puisque nous sommes toujours des samizdat [terme désignant à l'origine un système clandestin de publications dissidentes en URSS et dans les blocs des pays de l'est], cela peut prendre plusieurs formes. Dans notre cas c’est un CD multimédia. Mais il y aussi des publications samizdat, traditionnelles et non-traditionnelles.

Enfin, il y a des émissions télé et radio transfrontalières, depuis la Pologne et la Lituanie. De plus en plus de gens achètent des paraboles simplement pour pouvoir recevoir une information indépendante.

Quel genre d’information essayez-vous de faire passer à vos lecteurs?

Cela dépend de quel type de média indépendant l’on parle. 34 Multimedia Magazine est un magazine pour les jeunes qui se concentre sur l’activisme culturel, social et civique alternatif. Nous nous intéressons moins à l’information chaude qu’aux tendances. Nous encourageons les jeunes à être critiques en tout, à réfléchir et être actifs. Pour cela, nous pouvons parler de la sortie d’un album comme d’une protestation sociale.

Dans le cas des autres médias, quotidiens ou hebdomadaires, leurs sites se concentrent bien sûr sur l’information politique. Certains d’entre eux ont une couverture extensive de l’actualité internationale. C’est très important pour un pays comme la Biélorussie qui est assez isolée du reste du monde. Cela permet de comprendre où va le monde, et de voir où nous pourrions avoir notre place et où nous ne le pourrions pas.

Pour nous tous, l’objectif principal est d’être là, pour que la population ait accès à une certaine manière d’information objective, loin de la propagande d’Etat.

La jeunesse biélorusse regarde-t-elle vers l’Europe? Qu’en attend-elle?

Si nous parlons du mouvement démocratique, bien sûr nous regardons vers l’Europe, et bien sûr nous apprécions tous les efforts pour nous soutenir, la condamnation de la repression et les pressions sur le gouvernement pour libérer les prisonniers politiques. Mais nous avons besoin de consistance dans la politique de l’UE envers la Biélorussie. Je ne crois pas que quiconque accepterait que soudainement l’UE commence à dialoguer avec ce régime sans que les conditions minimales ne soient remplies.

Je pense que de plus en plus de gens en Biélorussie aujourd’hui voient la nécessité de sanctions économiques. Compte tenu de la situation économique actuelle, le régime est acculé [le 1er juin, la Biélorussie a officiellement demandé l'aide financière du FMI et de la Russie. Moscou est disposée à verser trois milliards de dollars, et le FMI rendra sa décision le 14 juin] et il n’y a que deux manières de s’en sortir. La première est de faire ce que dit la Russie, et il a été question récemment d’une dépendance sinon formelle, du moins économique. La Russie dicterait ce qui se passe dans le pays et elle aurait le choix de démettre ou "sustain" Loukachenko. La seconde est de s’ouvrir à l’Europe et de recommencer à parler et à faire des réformes. C’est un choix très difficile pour notre gouvernement, mais je pense que dans le pays, les gens comprennent de plus en plus que le changement viendra de l’intérieur, mais qu’il n’y a pas d’autre voie que l’ouverture et le dialogue avec les voisins.

Propos recueillis par Eric Maurice.

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