Former les douaniers roumains plutôt que la police afghane

Publié le 15 juin 2011 à 14:59

Les militaires et policiers néerlandais sont prêts pour leur départ à Kunduz. Ils partent former des policiers afghans. Les Pays-Bas ont refusé d'envoyer de nouvelles troupes militaires en Afghanistan (en février 2010, le gouvernement néerlandais est tombé à cause d’un désaccord sur la prolongation de la mission militaire en Uruzgan), mais une mission pacifique, sans tirs, sans batailles, sans arme devrait faire l’affaire. Le gouvernement est satisfait : il répond ainsi au souhait de l’OTAN de retourner en Afghanistan tout en restant présent sur la scène internationale, même s'il y tient un second rôle.

Mais on peut se demander si la police afghane attend véritablement l'arrivée de nos formateurs néerlandais. Car des militaires venant des polders, d’un pays où les animaux domestiques sont protégés par des ‘animal cops’ [des policiers formés pour s'assurer du respect des droits des animaux], qu’ont-ils à raconter aux Afghans qui vivent dans un pays où les explosions font partie du quotidien et où la corruption est endémique ? Et on se demande pour qui cette mission est-elle une leçon : pour les Afghans ou pour les Néerlandais ?

Malgré les coupes énormes que le ministre de la Défense néerlandais, Hans Hillen, devrait appliquer (1 milliard d’euros en quatre ans), il restait un petit fond dans la tirelire de l’Etat : une somme de 468 millions d’euros qui devrait suffire pour financer la mission controversée à Kunduz. C’est un sacré montant. Surtout si on le compare aux coupes budgétaires d’un total de 200 millions d’euros qui seront appliquées dans le secteur de la culture. Vendredi 10 juin, le secrétaire d’Etat à la Culture, Hable Zijlstra a présenté son projet : il a choisi d’épargner les grands orchestres, théâtres, musées, troupes de théâtre et de danse qui ont une "stature internationale". Les petits instituts, petits musées et autres "petits" acteurs en seront probablement les victimes. Mais, là encore, les Pays-Bas maintiennent ainsi un petit rôle sur la scène internationale.

Si le haut de la pyramide du secteur de la culture reste debout, sa base risque de s’effondrer petit à petit, ou – comme l’a écrit Trouw, "Comment peut-on danser sans bras ni jambes" ?

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M. Zijlstra dirait sûrement que cela rend les gens plus entreprenants. Car c’est cela, son ambitionne pour le secteur de la culture : un secteur qui se suffise à lui-même sur le marché. La culture en tant qu’entreprise. Pourtant, monsieur Zijlstra, il y a une grande différence d’esprit entre les artistes et les gens d’affaires.

Ces derniers jours, les journaux néerlandais ont publié énormément de commentaires sur le projet proposé par M. Zijlstra. Plusieurs chroniqueurs ont fait le lien entre la Défense et la Culture.

Par exemple Bert Wagendorp dans sa chronique parue dans le Volkskrant le 11 juin :

J’ai l’impression que Halbe Zijlstra n’aurait pas apprécié s’il avait eu à rallonger le budget de la Culture de 200 millions d'euros plutôt que de le couper. Probablement, il aurait demandé un autre poste.

Zijlstra ne ressemble pas du tout à Hans Hillen [le ministre] de la Défense. Il souffre de chaque euro qu’il doit couper. Quand Hillen a dû expliquer aux troupes qu’il devait couper un milliard d’euros, c’était comme si il annonçait qu’il allait lui-même et sans anesthésie amputer sa jambe gauche.

Halbe Zijlstra est très différent. Cela l’amuse. Si [le Premier ministre Mark] Rutte lui avait dit qu’il devait couper 600 millions d’euros sur les dépenses culturelles de l’Etat, il aurait fait avec encore plus d’énergie.

Ou bien comme l'écrivain Arnon Grunberg, qui a donné un "conseil d'ami" dans sa chronique du 14 juin :

Il semble clair que la guerre est devenue un art de performance. L’Armée de Terre Royale est notamment composée de mimes, de clowns et par-ci par-là d'un acrobate perdu. Pour tous ceux qui sont impliqués, l'idéal serait que le ministère de la Défense et celui de la Culture fusionnent. L'idée que la Défense et la Culture sont deux choses différentes est du passé. De façon rétrospective, on devrait considérer l’opération militaire à Srebrenica comme une pièce de théâtre. L’Académie Militaire Royale pourrait fusionner avec l’académie de théâtre de Maastricht, la différence entre les deux formations est minimale. Des acteurs sont sur le point de partir en Afghanistan pour y former des policiers. Comme on le sait, on attend des policiers afghans une seule compétence : savoir faire du théâtre.

Plutôt que Kunduz, pourquoi ne pas envoyer ces hommes en Roumanie ou en Bulgarie pour qu'ils puissent y former les douaniers ? Cela coûterait probablement moins cher et serait beaucoup plus efficace pour aider ces deux pays qui sont membres de l'UE depuis 2007, à entrer dans l'espace Schengen. Une mission qui, à lire le commentaire posté par un lecteur roumain de Presseurop, serait peut être bienvenue :

En tant que citoyen roumain, j'espère qu'ils ne nous laisseront pas entrer si facilement dans la zone Schengen, nous avons besoin que l'UE nous pousse toujours plus à faire ce qu'il faut. S'IL-VOUS-PLAIT, aidez-nous à faire ce qu'il faut, OBLIGEZ-NOUS !!! Nous avons besoin d'être poussés vers la justice

[Lire ce blog sur le site néerlandais ]

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