Boycotter le régime de Kiev

Publié le 11 mai 2012 à 13:02

Faut-il boycotter les matches de l’Euro 2012 de football qui se déroulent en Ukraine (qui co-organise la compétition avec la Pologne) tant que le régime de Kiev maintiendra en détention l’opposante Ioulia Timochenko ? Une dizaine de dirigeants européens, dont le président allemand Joachim Gauck et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, ont déjà décidé : ils n’iront pas en Ukraine.

Sans se prononcer sur la culpabilité de l’ancienne égérie de la Révolution orange de 2004, condamnée en octobre à sept ans de prison pour abus de pouvoir, les partisans du boycott veulent ainsi protester contre les mauvais traitements qu’elle aurait subis en prison et la répression dont l’opposition fait l’objet dans le pays.

Le cas de Ioulia Timoshenko est emblématique de la dérive autoritaire du régime de Viktor Ianoukovich et de la dégradation des relations avec l’UE : depuis son élection, en 2010, le chef du Parti des régions n’a eu de cesse de renforcer l’emprise de ses fidèles — des Russophones de l’Est du pays — sur l’Etat et de brider l’opposition. Et de faire souffler le chaud et le froid avec ses deux incontournables voisins, la Russie et l’Union européenne.

La première, dont il est culturellement proche, souhaite maintenir l’Ukraine dans son giron et en faire une sorte de Biélorussie du Sud, à ses conditions. Avec la seconde, un accord d’association n’attend plus que d’être signé et un autre d’union douanière — sorte d’“adhésion light” à l’UE — est sur les rails. Là aussi, il s’agit de raccrocher l’Ukraine à son environnement historique et culturel — l’Ouest de l’Ukraine a fait partie (avec la Pologne, la Lituanie et la Biélorussie actuelles) de la République des Deux nations aux XVIe-XVIIIe siècles — en vertu de l’attraction que le soft power de l’Union est censé exercer sur son entourage.

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Les opposants au boycott craignent qu’il ne jette Kiev dans les bras de Moscou. La tentation existe, mais elle serait contraire aux intérêts économiques de l’Ukraine et elle minerait une indépendance fièrement conquise. Mais la plupart des Ukrainiens voient leur avenir dans l’UE, tôt ou tard, et celle-ci se doit de ne pas trahir leurs attentes.

C’est pour cela qu’un boycott de la part des politiques — pas des équipes — est opportun. Il sera d’autant plus efficace qu’il sera associé à des mesures de pression économique (application des lois anti-blanchissement aux capitaux ukrainiens déposés dans l’UE) et douanières (pas de visas pour les ténors du régime responsables d’abus, visas plus faciles pour les étudiants, les chercheurs, les hommes d’affaire et les touristes), ainsi qu’à un effort de pédagogie pour en expliquer les raisons aux Ukrainiens. Enfin, à l’occasion des élections législatives d’octobre prochain, l’UE et l’OSCE devraient inonder le pays d’observateurs afin de s’assurer qu’elles soient aussi irréprochables que possible.

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