Eloge d’Erasmus

Publié le 5 octobre 2012 à 10:56

Imaginez un endroit où chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’Européens se rencontrent, se découvrent et apprennent à vivre dans un autre pays que le leur. Imaginez un moyen de dépasser les frontières, d’oublier la technocratie et de vivre l’Europe de manière concrète et non politisée. Cet endroit et ce moyen existent, il s’agit des universités et du programme Erasmus. Et nous avons appris cette semaine que ce dernier est menacé de cessation de paiement.

Tout n’est pas perdu pour les étudiants. Leurs bourses ont été versées pour le début de l’année universitaire. Et le commissaire européen au Budget, Janusz Lewandowski, a assuré qu’il trouverait un accord avec les Etats membres pour combler le trou financier. Mais cette situation risque fort de se reproduire l’an prochain car pour le budget de l’UE comme dans les Etats membres qui le financent, l’heure est à la rigueur. Il est donc urgent de prendre la défense d’Erasmus.

Il est vrai que, du qualificatif d’ “agence matrimoniale la plus efficace d’Europe” qui lui est volontiers attribué, jusqu’au film L’Auberge espagnole narrant les aventures de quelques jeunes à Barcelone, le programme d’échange d’étudiants pâtit souvent d’une image un peu légère qui incite peut-être les argentiers de l’Europe à le considérer comme un gadget. C’est oublier qu’à travers ces tranches de vie intimes, *“*Erasmus a créé la première génération de jeunes Européens”, ainsi que l’a parfaitement résumé Umberto Eco. Rien que pour cela, il devrait être considéré comme une priorité politique.

Se limiter à cette réalité serait oublier qu’Erasmus est l’acronyme de EuRopean Community Action Scheme for the Mobility of University Students [Schéma d’action de la Communauté européenne pour la mobilité des étudiants d’université], et qu’à ce titre, il porte deux atouts cruciaux pour l’avenir de l’Europe. Le premier est la mobilité, dans une UE où les langues et l’ancrage national des individus entravent la construction d’un espace économique, social et citoyen commun à l’échelle des Etats-Unis, par exemple. Le second est l’échange de la connaissance, indispensable pour innover, rester compétitif et donner envie aux chercheurs et inventeurs de rester en Europe. L’Europe peine déjà à maintenir son rang dans la mondialisation, elle n’a pas intérêt à se priver d’un tel outil.

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Mais Erasmus n’est bien évidemment pas qu’un acronyme compliqué. C’est le nom de l’un des penseurs les plus importants de la Renaissance. Grand voyageur, Erasme de Rotterdam symbolise cette volonté d’unité qui s’affaiblit avec la crise actuelle. L’auteur d’Eloge de la Folie symbolise une Europe qui a su revenir à ses valeurs anciennes pour en créer de nouvelles et s’est nourrie d’un dialogue culturel et politique entre pays du Nord et du Sud pour s’inventer une nouvelle modernité. En 2010-2011, le programme Erasmus a coûté 460 millions d’euros. Une petite folie budgétaire que l’Europe en quête de renaissance pourrait bien s’autoriser.

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