Le Prix de la paix

Publié le 12 octobre 2012 à 11:18

L’Union européenne est donc prix Nobel de la paix. C’est une surprise, mais c’est un message fort, comme le comité Nobel sait en délivrer. Un message qui s’adresse à tous les Européens, des plus puissants aux plus touchés par la crise, des plus fédéralistes aux plus déçus.

Il peut paraître étrange de distinguer ainsi un corps politique qui n’a pas encore trouvé sa forme définitive, et plus étrange encore de le faire à un moment où le projet européen semble avoir atteint ses limites, voire démontré qu’il peut échouer à tout moment.

Mais c’est justement pour cela que ce prix Nobel survient au bon moment. Son message est simple : l’Europe, c’est la paix, et les difficultés actuelles ne doivent pas le faire oublier.

Dans ses motivations, le comité Nobel norvégien affirme que “pendant plus de six décennies, l’UE et ses précurseurs ont contribué à l’avancement de la paix et de la réconciliation, de la démocratie et des droits de l’homme en Europe”. Il insiste également sur le fait que l’appartenance à l’Union a rendu “impensable” la guerre entre de vieux ennemis comme l’Allemagne et la France et que l’élargissement progressif aux anciennes dictatures — fascistes et communistes — ”a ouvert une nouvelle ère dans l’histoire européenne”.

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Il s’agit d’un rappel aux valeurs fondamentales qui fondent la cohabitation de 500 millions d’Européens dans un espace pourtant divisé par des langues, des cultures et des histoires différentes voire conflictuelles. Un rappel utile, alors que la chancelière allemande est caricaturée chaque jour en nazie dans les rues et à la une des journaux. Un rappel utile, surtout, alors que pour les nouvelles générations, la paix est un acquis presque abstrait, qui ne peut plus servir d’argument pour défendre l’orientation générale du projet européen, et encore moins les décisions plus concrètes comme la gestion de la crise ou la succession des traités européens.

Alors que la nouvelle de l’attribution du Nobel à l’UE commençait à faire le tour du monde, certains commentateurs ironisaient sur la joie que devaient éprouver les Grecs ou les Irlandais, qui subissent de plein fouet les plans d’austérité exigés par Bruxelles, en l’apprenant. D’autres, plus nombreux, faisaient remarquer que l’Europe n’a pas été capable d’empêcher ni de résoudre seule la guerre dans les Balkans dans les années 1990. Comment leur donner tort : l’Europe, déjà un géant économique, mais encore un nain politique et militaire, a assisté, impuissante, à la réédition de ce qu’elle avait exprimé de pire au cours de son histoire, et cela, juste à sa porte.

Et depuis, peu de progrès ont été faits afin de la doter des outils permettant justement de parvenir à la paix : une diplomatie et une armée dignes de ce nom. Les Etats membres n’ont en effet pas voulu donner au Haut représentant pour la politique étrangère de l’UE les moyens politiques d’une action cohérente. C’est pareil pour son bras armé, corollaire indispensable lorsque le “soft power” atteint ses limites. Le mariage manqué entre le consortium franco-allemand EADS et l’entreprise aéronautique et de défense britannique BAE Systems, qui aurait donné naissance à un géant du secteur, a démontré ces derniers jours que l’Europe n’est pas prête à assumer pleinement son rôle de gardienne de la paix et que, lorsque cette dernière est menacée, elle devra — encore et toujours — appeler à l’aide l’allié américain.

Ce prix Nobel est donc à la fois un hommage, un encouragement, et un rappel à l’ordre. Comme tout lauréat, l’UE devra s’en montrer digne. Alors même que la rumeur sur l’identité du lauréat du prix circulait, les observateurs se demandaient qui ira à Oslo recevoir cette récompense : le président de la Commission José Manuel Barroso ? Celui du Conseil Herman Van Rompuy ? Le président tournant de l’Union Dimitris Christofias ? Voilà une occasion de se montrer unis.

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