Chacun pour soi

Publié le 30 novembre 2012 à 14:33

L’événement diplomatique de la semaine est la reconnaissance, le 29 novembre, de la Palestine par les Nations unies, avec le statut d’Etat observateur non membre. Le vote de l’Assemblée générale de l’ONU est avant tout symbolique et ne règlera pas à lui seul la question de la coexistence entre Israël et son nouveau voisin officiel. Tout aussi symbolique est le fait que l’Union européenne n’ait pas réussi à s’exprimer d’une seule voix.

Le décompte des voixmontre que les 27 Etats membres de l’UE se sont divisés en deux blocs équivalents : 14 pays ont voté pour, 12 se sont abstenus. Seule la République tchèque a voté contre, aux côtés de huit Etats (sur 188 votants), dont Israël et les Etats-Unis.

Comme le soulignait Lluís Bassets avant le vote à l’ONU, le Service européen d’action extérieure (Seae) créé en 2010 reste une coquille vide. Non seulement les Vingt-Sept semblent s’appliquer à ignorer cette institution chargée de rendre l’UE influente dans le monde, ainsi que sa cheffe Catherine Ashton, mais ils semblent se satisfaire de leur incapacité à se mettre d’accord entre eux sur une question aussi emblématique que la reconnaissance d’un Etat palestinien.

Symbolique également est le fait que cette désunion européenne se manifeste une semaine après l’échec du sommet sur le budget de l’UE, au cours duquel la défense des intérêts nationaux a coupé court à toute tentative de définition des priorités communes pour les sept prochaines années.

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Cette succession dans le calendrier n’est pas une coïncidence. Elle est dans l’air du temps. Ce vendredi, dans un entretienà 4 journaux européens dont le Financial Times, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a déclaré que son gouvernement veut “un débat au niveau des 27 pour savoir si l’Europe n’est pas impliquée dans trop de domaines qui pourraient être traités au niveau national”. La question de la subsidiarité n’est pas nouvelle, et elle mérite d’être posée pour améliorer le fonctionnement de l’Union. Mais la poser ainsi, et maintenant, ajoute à la confusion semée par le débat britannique sur le rapatriement des pouvoirs à Londres.

Le message politique ainsi transmis est celui d’une Europe à la carte, fut-ce au détriment de l’ensemble du projet.

Il y a quelques années, feue la Constitution européenne devait être le couronnement d’une étape cruciale de la construction européenne. Le traité de Lisbonne qui l’a remplacé a été victime des conditions de sa naissance, faite de compromis et de renoncements. Et l’esprit qu’il devait porter a été englouti par la crise économique.

Dans son livreLe Passage à l’Europe (publié en français par Gallimard), Luuk van Middelaar décrit l’équilibre sans cesse changeant entre une “sphère externe”, celle du traditionnel concert des nations issu du XIXe siècle, une “sphère interne”, celle des institutions communautaires, et une “sphère intermédiaire”, où les Etats réunis en Conseil avancent peu à peu vers des décisions qui transcendent leurs intérêts nationaux sans les négliger. L’histoire de l’UE était jusqu’à présent le passage de la prééminence de la sphère externe vers une étroite coopération des deux autres sphères. C’est ce processus historique qui semble aujourd’hui caler.

Aujourd’hui, seule la Commission européenne persiste à proposer des projets ayant trait à l’intégration sur le long terme, comme cette semaine à propos de l'Union économique et monétaire. Mais elle semble bien seule et, de plus, incapable de se faire entendre.

Ce coup de frein à l’histoire intervient alors que l’UE se voit décerner le prix Nobel de la Paix. Ce n’est pas un hasard car le Comité Nobel a voulu mettre en garde contre les conséquences des blocages entre les Vingt-Sept. Lors de l’annonce de cette distinction, nous avons écritque l’UE devrait s’en montrer digne. Une première réponse vient de nous être donnée, avec l’annonce que six dirigeants européens pourraient snober la remise du prix le 10 décembre.

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