Le patient européen

Publié le 9 mai 2011 à 07:59

L'image fait partie de l'histoire de l'Union européenne : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy marchant côte à côte, mâchoires crispées, épaules tendues, manifestement très proches du point de non-retour dans leurs relations chaotiques. La chancelière allemande et le président français s'opposaient sur la manière de défendre la zone euro menacée par la quasi-faillite de la Grèce. Deux jours plus, tard, les ministres des Finances se mettaient d'accord pour mettre en place un mécanisme de sauvetage de 750 milliards d'euros. C'était le 9 mai 2010 et l'Union européenne survivait à la plus grave crise de son histoire.

Un an après, où en est l'Union ? L'euro est toujours là, mais le Portugal est le troisième pays, après la Grèce et l'Irlande, à faire l'objet d'un plan de sauvetage de plusieurs dizaines de milliards. Aucun pays n'a fait faillite, mais l'austérité est devenue le trait commun de tous les pays de l'UE. Deux gouvernements, en Irlande et au Portugal, sont tombés à cause de la crise, et si des élections avaient lieu aujourd'hui, le pouvoir changerait certainement de mains en France, en Espagne et peut-être même en Allemagne.

La chancelière Merkel est pourtant devenue, en cette année d'incertitudes, la figure dominante de l'Union, sans laquelle rien ne se décide. Et c'est l'une des conséquences majeures des soubresauts de l'euro : un bloc nordique, centré autour de l'Allemagne, de l'Autriche et des Pays-Bas, redessine l'UE sous une forme plus rigoureuse, symbolisée par le Pacte pour l'euro censé établir les bases d'une meilleure gouvernance économique.

L'Europe est donc sauvée, mais elle n'est pas bien portante. Les symptômes en sont multiples et dépassent le cadre de l'économie. Fragilisées par la crise, les populations européennes se tournent de plus en plus ouvertement vers les forces contestataires, eurosceptiques et/ou populistes. Cause ou conséquence de ce phénomène, les dirigeants se replient sur leur domaine politique et territorial : les polémiques actuelles sur l'application de la convention de Schengen ou le statut travailleurs étrangers dans l'UE en témoignent, tout comme le fait que les Etats membres ne travaillent plus main dans la main avec la Commission européenne ou le Parlement européen.

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La patiente a pourtant des atouts : en un an, l'UE a montré des ressources insoupçonnées. Les plans de sauvetage et les différents mécanismes de stabilité sont le fruit de compromis difficiles mais méritoires. Les faiblesses de la monnaie unique sont peu à peu comblées par la mise en place de processus communs. L'attachement des Vingt-Sept au projet européen, soumis à rude épreuve, a été confirmé par les efforts déployés.

La responsabilité des dirigeants européens, dans les Etats membres et à Bruxelles, n'en est que plus grande. A l'intérieur de l'Europe, pour proposer aux citoyens un projet politique qui ait une dimension sociale et sociétale, et donner un sens à ce qui paraît de plus en plus n'être qu'un projet économique, monétaire et législatif. A l'extérieur, pour accompagner utilement le "printemps arabe", ne plus subir la mondialisation et être un peu plus maîtres du destin de 500 millions de personnes.

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