Après l’accord sur la dette grecque

“La Grèce risque de ne plus être un pays à la fin de cette semaine”

Il semble n’y avoir que des perdants dans l’accord arraché lundi à l’aube par le Premier ministre grec Alexis Tsipras à ses partenaires de la zone euro. A commencer par le peuple grec, en passant par les dirigeants allemands et européens en général, estime la presse européenne.

Publié le 14 juillet 2015 à 11:28

Cette revue de presse a été réalisée avec la contribution de euro|topics et pour le compte d'Internazionale.

Après l’accord conclu entre la Grèce et les dirigeants de l’eurozone au terme de 17 heures de laborieuses négociations, il n’y a pas grand chose dont on puisse se réjouir, écrit Michal Sutowski dans Krytyka Polityczna. “Avec le Premier ministre Tsipras le dos au mur, le gouvernement allemand est parvenu à imposer presque toutes ses conditions. C’est une consolation mineure pour les Grecs qu’un ‘Grexit temporaire’ ait été un aiguillon de négociation plutôt qu’une véritable proposition et que le fonds de restructuration soit basée à Athènes plutôt qu’au Luxembourg”, écrit Sutowski. Pour lui, les négociations ont clairement montré que l’objectif des leaders européens était d’“écraser la résistance des Grecs” et non de parvenir à un compromis :

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Angela Merkel avait l’opportunité de rejoindre le Panthéon des grands, pourrait-on dire, Européens conservateurs “progressistes”. Si elle avait forcé le barrage, contre la presse allemande et contre son propre ministre des finances, avec un paquet de réformes civilisé en échange d’une restructuration partielle de la dette, elle aurait marché sur les traces d’Otto von Bismarck et Benjamin Disraeli. Mais il semblerait qu’au lieu de cela, elle ait décidé de devenir une “ménagère économe”.

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Cela peut paraître un peu dramatique, mais il n’y a pas de meilleure et plus concise façon de décrire cette situation d’urgence”: La Grèce risque de ne plus être un pays à la fin de cette semaine, écrit Tine Peeters. Avec le nouvel accord, les Grecs ont perdu l’autodétermination, tant au niveau politique qu’au niveau économique et financier :

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Le chaos grandissant peut être attribué aux Grands Leaders européens et aux leaders grecs. En organisant le référendum, Alexis Tsipras a espéré rendre la Grèce plus forte face à l’Europe. Mais il a perdu son pari et tout ce que la Grèce possède. Désormais, le Mont-de-piété Europe a pris, dans des conditions strictes, “l’Etat auparavant connu sous le nom de Grèce.

Larry Elliott critique, dans The Guardian, les conditions du dernier plan de sauvetage qui, avance t-il, repose sur un raisonnement économique douteux. En privant le gouvernement grec des “stabilisateurs automatiques” — la possibilité de creuser le déficit en période difficile afin de promouvoir la croissance — les créditeurs de la Grèce ont condamné le pays à des souffrances supplémentaires. Elliott suggère deux façons de mettre fin à la crise -

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La première est d’effacer une large part des dettes. L’autre est de permettre à la Grèce de croître à un rythme qui lui permette de rembourser les intérêts de la dette. L’accord ne permet ni l’un ni l’autre. Ce n’est qu’un filet de lumière qui filtre à travers les barreaux de la prison des débiteurs.

Stephan-Andreas Gasdorff évoque un politicien allemand qui a perdu lors des négociations avec la Grèce : le vice-chancelier social-démocrate Sigmar Gabriel. En faisant volte-face dans sa position sur un Grexit temporaire, écrit Gasdorff, “Gabriel a échoué dans son test pratique” qui exigeait “d’être digne de confiance, d’avoir des valeurs, et d’être cohérent.

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Le drame autour de la Grèce se termine mal ; mais cela montre tout d’abord du doigt le SPD. Parce que le parti a perdu un candidat au poste de Chancelier […] Et, ce qui est pire : tout le monde l’a vu ; tout le monde le sait. Même Sigmar Gabriel lui-même — son instinct politique le lui dira.

L'Europe a privé la Grèce de sa souveraineté et traite désormais le pays comme un enfant mineur irresponsable, déplore Lucio Caracciolo dans le quotidien de centre-gauche :

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La Grèce a cessé d'exister en tant qu'Etat indépendant. Restent les Grecs. Ils sont appelés à accepter d'effroyables sacrifices économiques, mais aussi l'humiliation de se voir traiter comme des gamins auxquels on interdit de gérer leurs propres affaires. L'autorité parentale est officiellement accordée à Bruxelles et Francfort, de facto à Berlin. Une mère sévère, tentée par l'idée de ne pas reconnaître son enfant, mais qui a finalement accepté de mettre en scène - provisoirement - la fiction d'une souveraineté hellénique résiduelle. Afin d'éviter que la mise à mort de cet Etat placé sous tutelle ne matérialise l'implosion de l'euro, et ainsi celle de l'UE.

Dans Týždeň, Fero Múčka estime que pour la Grèce, qui calculait toujours avec la volonté des politiciens européens de maintenir le projet de la monnaie unique, le tournant dans les négociations ne s’est produit que lorsque Tsipras a vu que ses partenaires européens étaient réellement prêts à laisser son pays sortir de l'euro.

Le rêve européen n’est plus la mesure des choses, même pas pour Merkel. Les acteurs clé ont déjà accepté le fait que l’intégration ne doit pas avoir qu’une seule direction. [...] Une autre solution [de la crise Grecque], consistant par exemple en un allongement des maturités? à 100 ans et un abaissement des taux d'intérêt, pourrait se montrer séduisante également pour les électeurs en Espagne ou Italie.

El País évoque dans son éditorial la "mauvaise gestion du gouvernement" de Mariano Rajoy dans l’échec de la candidature de l'espagnol Luis de Guindos, ministre de l’Économie, au poste de président de l'Eurogroupe. C’est le président sortant, le néerlandais Jeroen Dijsselbloem, qui a été réélu, et cela,

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malgré sa gestion controversé, et apparemment le soutien de l'Allemagne à De Guindos. Sans mettre en doute cet engagement, Berlin est plus intéressé aujourd'hui de maintenir Dijsselbloem qu'à favoriser un changement dans des moments délicats pour l'Europe. Il est vrai que Dijsselbloem a bénéficié de l’accord complexe de Bruxelles avec la Grèce.

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