La mauvaise nuit de Merkel

Publié le 29 juin 2012 à 13:52

Peut-on avoir raison tout le temps contre tout le monde ? Manifestement non, comme Angela Merkel en a fait l’amère expérience dans la nuit du 28 au 29 juin. Confrontée à la rébellion surprise de Mario Monti et Mariano Rajoy, elle a dû céder sur deux points : le Mécanisme de stabilité (MES), c’est-à-dire le fonds de secours européen permanent bientôt mis en place, va pouvoir verser directement de l’argent aux banques espagnoles et racheter de la dette italienne sans exiger un programme de rigueur.

Pour Madrid (et peut-être pour Dublin si la décision fait jurisprudence), cela veut dire que le sauvetage des banques ne pèsera plus sur les comptes de l’Etat. Pour Rome (et peut-être pour Paris qui est souvent considéré comme le domino suivant de la crise), cela veut dire que l’Etat pourra se financer sans être soumis à la pression des marchés qui imposent des taux d’intérêts exorbitants. Question de bon sens, disent la plupart des dirigeants européens et des observateurs.

Mais pour la chancelière allemande, cette décision nocturne du Conseil européen est un double échec. D’une part, pour la première fois depuis le début de la crise, ce n’est plus Angela Merkel qui mène les débats. Même s’il lui est arrivé de dire oui après avoir dit non, elle le faisait à son propre rythme, soutenue par Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, elle semble avoir perdu le soutien de tous les grands pays européens.

Alors qu’elle comptait accepter - concession tactique - le pacte de croissance réclamé par François Hollande, la voilà obligée de céder sur deux questions stratégiques. La conséquence est qu’une brèche est désormais ouverte dans sa ligne de défense contre les euro-obligations. En déclarant qu’elle refusera cette option aussi longtemps qu’elle vivra, elle a donné des gages à son parti et à ses électeurs, mais elle s’est placée dos au mur, contrainte d’essayer d’avoir encore raison contre tous, ou de se déjuger.

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L’histoire dira si, après des années de négligence dans les dépenses publiques et de manque de contrôle de la finance, la rigueur et la surveillance par l’UE prônées par Berlin constituent la meilleure réponse à la crise. Le fait est que depuis la nuit du 28 au 29 juin, le rapport de force a changé en Europe.

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