Idées Crise de la zone euro

L’austérité, une stratégie perdante

“La politique d’austérité a atteint ses limites”, assure José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. C’est la première fois que Bruxelles remet en cause cette politique. Il était temps de s’apercevoir qu’une seule voie pour des pays si différents ne fonctionne pas, commente la Süddeutsche Zeitung.  

Publié le 24 avril 2013 à 15:26

Les responsables politiques se gargarisent régulièrement de la diversité européenne. Ils se réfèrent dans ces cas-là aux traditions culturelles - pour la plupart jugées intéressantes et enrichissantes - qui se sont développées au-delà de leurs frontières nationales. Ils se réjouissent de ces différences et ne demandent qu'à les préserver. Il est toutefois intéressant de noter que toute forme de ravissement, et même de tolérance, disparaît de leur esprit dès lors qu'il s'agit de diversité économique.

En matière de politique budgétaire, les responsables européens sont pour l'unité monolithique. Tous les pays membres, et notamment ceux de la zone euro, doivent remplir exactement les mêmes conditions, et les performances économiques de chaque pays doivent être mesurées selon les mêmes critères. Et qu'importe si les traditions économiques européennes sont très différentes entre pays.

Barroso enfin sorti du coma

Dans le contexte de crise actuelle, l'idée selon laquelle il faudrait tous fonctionner selon le même modèle est arrivée à ses limites. Le Portugal, l'Espagne, la Grèce et l'Irlande ont adopté de vastes programmes d'économies et de réformes afin d'assainir leurs finances et de satisfaire aux critères européens imposés à tous. Mais ils n'arrivent pas à atteindre ces objectifs. Et les dettes s'accumulent.

D'un point de vue purement économique, il est parfaitement censé de vouloir d'abord réduire son endettement et de lancer des réformes pour renouer avec une croissance solide. Le problème est que, dans les faits, cette stratégie ne marche pas. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, n'a pas tort quand il admet qu'une idée politique ne doit pas seulement être valable mais que les citoyens doivent l'accepter, sans quoi elle restera inapplicable.

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Les sociaux-démocrates européens ont immédiatement réagi en félicitant Barroso d'être enfin sorti de son coma de cinq ans. Cela paraît peut-être démagogue mais ça n'en est pas moins vrai.

Des aménagements nécessaires

Cela fait déjà longtemps que l’on sait que les pays les plus aux prises avec la crise ne voient pas leur situation s'arranger : ils réduisent leurs dépenses et votent des réformes pendant que les faillites d'entreprises se multiplient et que le chômage augmente. L'appareil d'Etat est à l'arrêt, les décisions des tribunaux ne sont plus notifiées parce que les photocopieuses sont en panne, les employés doivent apporter leurs propres stylos et rouleaux de papier toilette au travail, les hôpitaux n'ont plus de réserve de médicaments.

En Espagne, un habitant sur huit vit dans la pauvreté aujourd'hui. On parle ici de situations que les habitants d'autres pays peuvent à peine imaginer.

De ce constat, on peut tirer deux conclusions. Il est évident que les pays de la zone euro ne peuvent pas faire une croix sur leurs programmes d'économies et de réformes du jour au lendemain. Cela ébranlerait trop la confiance dans la monnaie européenne. Certains aménagements sont toutefois nécessaires : la commission européenne peut assouplir les règles du pacte de croissance et de stabilité pour donner beaucoup plus de temps aux pays en crise pour atteindre leurs objectifs.

A terme, il faudra également s'interroger sur la pertinence de ce pacte (hier porté aux nues) et de ses règles strictes et indifférenciées. La crise le montre bien : malgré la monnaie unique, c'est la diversité économique qui domine en Europe.

Vu d’Espagne

Une équation difficile

Le climat économique reste “sombre” pour l’Espagne, s’inquiète Cinco Días. Selon le ministre de l’Economie, Luis de Guindos, le PIB du royaume devrait baisser de 1,5% en 2013, au lieu de 0,5% comme prévu initialement. Le 26 avril, le Premier ministre, Mariano Rajoy, doit présenter de nouvelles réformes pour réduire le déficit. Mais le quotidien économique voit une lueur d’espoir dans les déclarations du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso :

Depuis Bruxelles, des voix se font entendre qui, sans mettre en doute l'obligation d'avancer vers l'ajustement budgétaire, commencent à plaider pour engager aussi des stimuli pour la croissance économique. De plus en plus de signes pointent dans cette direction.

L’économie allemande, la plus forte de l’UE, commence aussi à souffrir des effets de la crise, ajoute Cinco Días. L’indice PMI du secteur manufacturier et des services s’est contracté en avril, pour la première fois en 5 mois. Selon le journal,

Cela ne suggère pas seulement que la maladie qui a ravagé les économies périphériques commence à se rapprocher du coeur de l'Europe, mais qu’elle pourrait provoquer une fissure dans le dogmatisme de Berlin sur l'austérité. [...] Le défi pour Bruxelles et pour les gouvernements européens est de savoir combiner  avec une habilité d'équilibriste les politiques de réduction du déficit et de la dette publique avec la mise en marche de mesures visant à faciliter le chemin vers la croissance économique.

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