Angela Merkel

Le jour où l’on saura ce que veut l’Allemagne

La réunion de la Banque centrale européenne du 2 août est annoncée comme cruciale pour l’Espagne et l’Italie qui attendent une aide. Ce sera surtout le moment où l’on saura qui, de la chancelière Merkel ou du président de la Bundesbank, décide de la position allemande face à la crise.

Publié le 1 août 2012 à 14:59
Angela Merkel

Les analystes les plus critiques du comportement de l’Allemagne en Europe expliquent qu’elle se montre toujours inflexible au début des crises, puis disposée à céder et à changer d’avis à mi-parcours, et qu’elle finit par camper sur ses positions, droite dans ses bottes, écartant tout revirement décisif au dernier moment.

Que se passera-t-il dans la phase actuelle de doute existentiel autour de l’euro ? Pendant quelques jours, Angela Merkel, la chancelière, et Wolfgang Schäuble, son ministre des Finances, ont semblé accepter la proposition des pays du sud comme l’Espagne et l’Italie, soutenus par la France, alliée traditionnelle de Berlin mais actuellement dans la crainte d’être mise de côté : la Banque centrale européenne (BCE) et les fonds européens de sauvetage pourraient venir à la rescousse de leur dette publique tant décriée.

Des mots enchanteurs

Ces jours-ci, l’opinion a tendance à mettre l’accent sur le fait que l’Allemagne aurait changé d’avis, même si les deux têtes pensantes dans cette affaire n’ont fait aucune déclaration en faveur de ce rachat de dette ou de toute autre mesure supplémentaire. En revanche, on voit clairement émerger en Allemagne un rejet direct de l’establishment économique, dirigé par la Bundesbank, la banque centrale allemande. C’est derrière cette institution emblématique que se sont regroupés économistes, hommes politiques et industriels influents du pays. Les arguments du débat sont connus, il serait inutile de les répéter encore une fois ici.

Il est plus intéressant de savoir si l’obstination du gouverneur de la Bundesbank, Jens Weidmann, traduit une véritable divergence avec le gouvernement de Merkel, ou s’il s’agit d’une répartition des rôles, ce que la chancelière a déjà nié de toutes les manières possibles par le passé.

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Il est évident que Merkel ne peut plus se représenter devant le Bundestag pour demander de nouveaux fonds pour un autre sauvetage. C’est pourtant ce qui attendait l’Espagne et l’Italie au vu de l’attitude des marchés, jusqu’à ce que Mario Draghi, le président de la BCE, prononce la semaine dernière des mots enchanteurs.

Un scénario de cauchemar

Sans espace politique pour organiser un sauvetage à la grecque, mais soumise à la forte pression des marchés, la solution la plus pratique pour Angela Merkel consistait à laisser le dossier entre les mains de la BCE, et donc à la Bundesbank sur le plan national. Cette dernière, voyant là une manœuvre qui lui ferait courir le risque d’avoir à assumer les pertes si l’opération tournait mal, n’a rien voulu entendre. Ce serait donc plutôt la logique du choc que celle de la division des rôles. Selon ce scénario, le conseil de la BCE de ce jeudi verrait émerger une alliance entre les banques centrales du sud et la majorité des gouvernements de la zone euro, Allemagne comprise, contre la Bundesbank et quelques banques centrales alliées. Historique.

Dans la seconde éventualité, selon laquelle Merkel aurait laissé la Bundesbank se draper dans son refus, Draghi aurait parlé inutilement et nous assisterions jeudi à un véritable fiasco, avec une BCE sans marge de manœuvre ou presque, et désavouée par les instances dirigeantes de la zone euro, même si elle remportait un vote formel. Un scénario de cauchemar.

Opinion

Sauver l'euro sans faire peur aux Allemands

“Le monde entier a peur que la solution de la crise se heurte aux idées ordolibérales des Allemands — surtout celle interdisant à une banque centrale d'acheter des obligations d'Etat”, constate la Frankfurter Rundschau dans un éditorial qui défend l’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) pour sauver l’euro. Le quotidien de centre gauche réfute les arguments contre une telle décision, à commencer par celui de l’interdiction faite à la BCE de financer indirectement les Etats.

Le mandat de la BCE est de garantir la stabilité des prix. Or, plus que l'inflation […] le problème est plutôt les tendances déflationnistes, qui font actuellement baisser les prix. L'achat d'obligations pour stabiliser l'économie est ainsi entièrement couvert par son mandat.

Le quotidien considère également qu’il faut remettre en question la capacité des marchés à déterminer les taux d'intérêt auxquels les pays peuvent s’endetter, car les investisseurs se sont lourdement trompés ces dernières années en ne voyant pas venir la crise.

N'est-il pas plus malin de laisser les banquiers centraux déterminer les taux d'intérêt, au lieu de faire dépendre la prospérité et l'emploi des humeurs des spéculateurs?

Enfin, si elle agit convenablement, la BCE court peu de risque d’accumuler la dette des Etats, affirme la Rundschau :

La BCE n'a qu'à définir de manière crédible un taux à partir duquel elle achètera sans limites toutes les obligations de longue durée, disons 5 %. [...] On parie qu'elle n'aura pas un centime à débourser?

Seul bémol, le caractère non démocratique des achats de dette par la BCE. Le quotidien propose de laisser le Mécanisme européen de stabilité financière (MES) agir à la place de la BCE, mais avec l’argent de cette dernière, car il est placé sous l’autorité des ministres des Finances...

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