Idées République tchèque
Le doigt d'honneur dressé par l'artiste tchèque David Černý vers le Château de Prague, siège de la présidence, à l'occasion des législatives anticipées.

L’envol des objets politiques non identifiés

Les sociaux-démocrates sont les grands favoris des élections législatives anticipées des 25 et 26 octobre. Mais pour gouverner, ils auront besoin des nouveaux partis politiques, dont le caractère imprévisible pourrait affecter la position du pays dans l’UE et l’OTAN.

Publié le 25 octobre 2013 à 12:16
Le doigt d'honneur dressé par l'artiste tchèque David Černý vers le Château de Prague, siège de la présidence, à l'occasion des législatives anticipées.

Ces élections semblent se dérouler sans véritable enjeu. Les résultats risquent pourtant de présenter d’innombrables défis, en rapport notamment avec le caractère imprévisible de la politique étrangère tchèque.

Selon les sondages, les sociaux-démocrates (ČSSD) n’auront pas d’autre choix que de conclure des alliances, soit avec des partis dont les idées de ce que devrait être la politique étrangère tchèque remettent en question l’ancrage du pays au sein de l’espace transatlantique, soit avec des partis qui instrumentalisent à des fins populistes la politique étrangère.

Dans le premier lot, on peut ranger le Parti communiste de Bohême et Moravie (KSČM), qui exige la sortie de la République tchèque de l’OTAN. Dans le second, ANO [“Oui” en tchèque, le mouvement politique du milliardaire d’origine tchéco-slovaque Andrej Babiš], l’Aube de la démocratie directe [le mouvement populiste du tchéco-japonais Tomio Okamura], voire le SPOZ [Parti des droits civiques-Les Zemaniens, du président Miloš Zeman], qui en matière de politique étrangère entendent prendre leurs décisions sans orientation idéologique claire, flairant plutôt les états d’âme de l’opinion publique ou en fonction de leur propre humeur du moment.

Axe Prague-Washington

La politique étrangère est aux abonnés absents du programme de l’Aube. ANO s’est fendu d’un joli chapitre sur le sujet et, prendront soin d’ajouter certains, compte dans ses rangs Pavel Telička, commissaire européen [de mai à octobre 2004] et négociateur en chef de l’adhésion de la République tchèque à l’UE. Mais si le businessman expérimenté Babiš est un maître en affaires, il exige que les produits qu’il acquiert soient fonctionnels, autrement dit dociles. Et cela vaut également pour Telička. Une Pologne qui déplaît [Babiš est un critique de la qualité des aliments provenants de Pologne] peut se traduire par une tentative hargneuse d’aller à la confrontation avec Varsovie sur une scène plus large, par exemple européenne.

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Cette perspective est inquiétante pour la République tchèque, parce que l’on risque d’en arriver à des situations qui exigeront du gouvernement et du Parlement de confirmer nos engagements envers l’OTAN, voire directement au niveau de l’axe Prague-Washington. Il en ira ainsi également avec une UE instable, qui est en permanence confrontée aux difficultés de la zone euro et se bat pour préserver sa propre intégrité, récemment éprouvée par la Grande-Bretagne. Enfin, les relations extérieures de l’UE testeront sans cesse les positions et la politique de la République tchèque.

Partenariat oriental

Quelle sera la position du prochain gouvernement et du ministère des Affaires étrangères envers le Partenariat oriental, et quelles relations entretiendront Prague et Moscou ? Quel sera le niveau d’engagement de la République tchèque dans la politique de voisinage de l’UE, par exemple avec l’Afrique du Nord ? S’agissant des relations entre Bruxelles et Washington et des révélations sur les activités d’espionnage des Etats-Unis, quelle position doit adopter l’UE ? [[Une multitude de questions se posent, dont les réponses exigent une unité et une continuité de la politique tchèque]], si Prague ne veut pas faire figure d’acteur imprévisible.

Il n’y a rien à envier dans la situation du ČSSD. Certaines des forces politiques qui ont aujourd’hui une chance de faire leur entrée au Parlement risquent d’avoir un impact proprement destructif (le KSČM, l’Aube de la démocratie directe), d’autres sont susceptibles de louvoyer ou de marchander leur soutien au gouvernement (ANO, SPOZ). Et pour certaines décisions (comme l’envoi de troupes tchèques dans les missions de l’OTAN), on peut imaginer que le ČSSD pourra compter sur le soutien de la droite parlementaire (les conservateurs du parti TOP 09 et les libéraux de l’ODS). Car si elle est un opposant en matière de politique intérieure, elle est un partenaire beaucoup plus fiable au niveau de la politique étrangère que tous ces extra-terrestres politiques, tous ces objets politiques non identifiés.

Elections

Un besoin de renouveau

“Qui d’entre eux l’accomplira ?”, s’interroge Mladá Fronta Dnes sous la photo des dix chefs de file des partis qui sollicitent les voix des Tchèques les 25 et 26 octobre. Le quotidien, qui a recueilli les attentes d’une vingtaine de personnalités du monde culturel, social et intellectuel, constate un besoin de “renouveau moral au sein de la classe politique, d’un attachement aux principes de la démocratie parlementaire et d’une vision qui aille au-delà d’une période du mandat.”
“Aujourd’hui à 14h commence l’un de scrutins les plus importants depuis la chute du communisme” en 1989, souligne de son côté Lidové noviny. Le quotidien rappelle

le danger réel de l’arrivée des communistes au pouvoir, car un gouvernement minoritaire des sociaux-démocrates soutenu par les communistes reste le scénario post-électoral le plus probable.

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